facebook_icon twitter_512x512 mail

Catégories

Commentaires récents

Sites Amis

Mes coups de coeur

Presse lyonnaise

Archives

Syndication

La parole à …. Christian PHILIP


Mon frère écrit chaque semaine, depuis le début du confinement, à ses enfants et petits-enfants.

Sa réflexion cette semaine que je partage totalement permet de revenir sur le débat Vieillesse et Vulnérabilité.

Je lui laisse la parole.

« ÊTRE “VIEUX” EN 2020 :

Cette semaine, je souhaite aborder avec vous une question à laquelle je suis sensible, pas seulement parce que j’entre dans cette catégorie par l’âge même si je ne me sens pas vieux à vrai dire ayant la chance d’être toujours en forme ! ), mais aussi du fait de la présidence d’une association pour aider au maintien à domicile de personnes âgées dépendantes qui au fil des années m’a permis de mieux appréhender leur situation.

Les propos du Président du conseil scientifique, créé pour éclairer la décision politique en ce temps de pandémie, voulant maintenir le confinement au-delà du 11 mai pour les plus de 65 ou 70 ans, ont suscité un tel rejet face à cette discrimination que le Président de la République a publié très vite un communiqué indiquant qu’il récusait cette éventualité.

Surtout la majorité des décès dus au Covid19 frappant les plus de 70 ans, comme les drames intervenus dans les EPAHD, nous interrogent. Que ce constat soit fait n’est pas une surprise car plus on est âgé, plus on est fragile. Et les morts chaque année suite à la grippe (un nombre du même ordre) traduisent une réalité malheureusement passée sous silence pour l’opinion publique.

Ce contexte doit nous conduire à nous poser plusieurs questions.

Qu’est ce qu’être vieux en 2020 ? L’augmentation de la durée de la vie et les progrès de la médecine qui l’explique font que les plus de 70 ans constituent une part de plus en plus importante de la population. Nous sommes près de 10 millions soit 1 Français/7.  Mais la condition de ces personnes est très différente, surtout entre 70 et 80 ans. Une majorité de septuagénaires sont encore en forme, actifs, travaillant pour certains, engagés dans la vie associative pour beaucoup, apportent un concours apprécié à leurs enfants en prenant du temps pour s’occuper de leurs petits-enfants, et économiquement des consommateurs (et pas seulement pour le secteur du tourisme). Être vieux ce n’est pas seulement être retraité ou avoir un certain âge. Malheureusement on peut être vieux avant 70 ans car souffrant de pathologies nous rendant plus fragiles.

Il faut renoncer à une définition par l’âge mais lier la vieillesse à une certaine forme de dépendance conséquence de telle ou telle maladie.

Tant que la personne âgée est autonome, elle induit pour notre société deux obligations. D’une part, lui assurer un système de soins lui permettant de rester le plus longtemps possible autonome. Ici nous devrions améliorer la prévention, peut-être en imposant un examen global chaque année, obligatoire, pris en charge par la sécurité sociale. D’autre part, garantir un minimum vieillesse d’un montant suffisant pour vivre dignement. Et sur ce plan nous savons que trop de retraités touchent un minimum insuffisant, les plaçant dans une situation de pauvreté inacceptable. Puisque le Président de la République nous dit qu’on ne compte plus, incluons dans les dépenses publiques de l’après pandémie cette nécessaire revalorisation. Or je n’entends pas cette préoccupation.

Mais il y a aussi la situation des personnes âgées handicapées et dépendantes. Aujourd’hui notre société n’a pas encore pris conscience de ses obligations à l’égard de ces aînés. Depuis des années chaque Gouvernement nous a promis une loi dépendance, constamment repoussée pour des raisons budgétaires. Allons-nous enfin en faire une priorité en y consacrant les moyens indispensables ? Ceci implique de traiter à la fois la question des EPAHD mais aussi du maintien à domicile souhaité par beaucoup de seniors. Ceci passe par une reconnaissance des métiers concernés (du médecin à l’infirmière et aux aides-soignantes, jusqu’aux professions paramédicales du kinésithérapeute au psychologue… ). On ne peut continuer à accepter qu’une aide à domicile ou une aide-soignante dont le métier est difficile soient si peu rémunérées. Puisse l’attention portée à ces métiers aujourd’hui, au dévouement de la plupart de ces personnes face à la crise sanitaire, conduire à ne pas l’oublier demain.

Il importe tout autant de mieux se préoccuper de ce que l’on appelle les aidants dans le cadre du maintien à domicile. Les accueils de jour leur permettent de dégager du temps pour eux. Les “cafés des aidants ” sont des lieux d’échanges et de conseils utiles. Mais cela n’est pas suffisant. Il faudrait une forme de statut d’aidant permettant de leur reconnaître certaines heures ou journées de RTT supplémentaires quand l’aidant travaille, et la prise en charge d’heures d’aide à domicile si l’aidant est retraité.

Le maintien à domicile est le parent pauvre et trop oublié des armes à notre disposition pour l’accompagnement des personnes âgées dépendantes. Certes il y aura toujours un nombre significatif de personnes âgées dépendantes qui ne pourront rester chez elles, mais nous n’avons aucun intérêt à ne pas favoriser au maximum le maintien à domicile. Par définition être en EPADH c’est être en collectivité et de ce fait accroître les risques de décès en nombre en cas de pandémie.

Ne pas accepter un tel effort c’est continuer à accepter les drames successifs touchant les plus âgés d’entre nous, de la canicule au Covid.

Nous ne sommes pas immortels. Plus on est âgé, plus on se rapproche de la mort. Mais il y a une obligation : permettre à chacun de vivre ses dernières années et de mourir dans la dignité.

24 avril 2020 – Christian PHILIP

Poster un commentaire