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L’origine des MJC - André Philip et la laïcité


Deuxième étape : « ANDRE PHILIP ET LA LAICITE »

Par Mathilde Philip-Gay


Car la République des Jeunes d’André Philip est indéniablement laïque.

Je ne sais pas ce que vous avez pensé du passage de ce texte d’André Philip lu par Thierry Philip, mais personne ne vous en voudra si vous l’avez trouvé profondément anticlérical (Pour les enfants présents : être anticlérical c’est s’opposer à l’influence et à l’intervention du clergé catholique dans la vie politique et sociale).

Cette position anticléricale peut surprendre chez André Philip, ce chrétien engagé dans sa paroisse et pour l’intérêt général. Mais pour la comprendre, il faut se rappeler que le protestantisme s’est aussi construit à partir d’une forme d’anticléricalisme. Et puis, comme l’a montré l’historien du protestantisme André Encrevé, pendant la seconde guerre mondiale l’Eglise catholique a obtenu du gouvernement de Vichy le subventionnement des écoles privées confessionnelles par l’Etat (abrogé en 1945). Or, l’histoire des protestants les rend « particulièrement sourcilleux à propos de l’école, puisqu’ils savent que c’est surtout par le biais d’une école contrôlée par l’Église catholique que la monarchie française a tenté d’arracher leurs enfants » à leur foi. A l’époque les intellectuels protestants citent d’ailleurs régulièrement les mots attribués à Madame de Maintenon, « si l’on ne peut avoir les parents, on aura les enfants ». L’anticléricalisme protestant de l’époque dont est représentatif André Philip ne peut donc pas être assimilé à celui des anticléricaux d’origine catholique que sont la plupart des anticléricaux français à l’époque.

Quoi qu’il en soit, André Philip va pleinement s’engager pour la laïcité à trois reprises parallèlement à la présidence de Fédération Française des Maisons des Jeunes et de la Culture.

I. L’ENGAGEMENT D’ANDRE PHILIP EN FAVEUR DE LA LAÏCITE

1/ La première fois c’est en 1946, lorsqu’il participe à la rédaction de la Constitution de 1946 qui va profondément marquer la conception actuelle de la laïcité.

- article 1er de la Constitution : « La France est une République laïque, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

La laïcité n’est pas qu’un principe, c’est un lien qui doit unir les français, ce qui est une vision très moderne de la laïcité. D’après André Philip, la laïcité est un « lien commun qui nous unit dans une commune foi » (Assemblée nationale constituante, 3 septembre 1946).

- alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946.

« La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ».

Ici est formalisée la spécificité de la laïcité scolaire qui a ses propres fondements juridiques et des règles particulières qui en découlent.2/ au moment de la loi Debré (1959).

- La loi Debré permet le financement public des écoles privées sous contrat, et notamment de celles d’enseignement catholique (dans le prolongement de la loi Falloux qui reconnaissait déjà des écoles libres à côté des écoles publiques).

-D’après André Encrevé : « en général les protestants accueillent très mal l’adoption de cette « loi Debré » par le Parlement. Certes, ils s’attendaient à une augmentation des subventions en faveur de l’école catholique, mais ils ne pensaient pas que le gouvernement irait jusqu’à faire financer par l’impôt – c’est-à-dire par tous les Français – la presque totalité des frais de fonctionnement des établissements d’enseignement catholique, réservés, à leurs yeux tout au moins, à seulement une fraction de la population ».

3/ au moment de la construction des MJC

Cest là que va être défini son concept de laïcité ouverte qui n’a rien à voir avec un jugement de valeur sur la laïcité, mais qui signifie qu’il convient notamment de la diffuser (on la retrouve dans les statuts de la MJC à partir de 1948). Cette conception de la laïcité qui présente deux caractéristiques.


II. LES CARACTERISTIQUES DE LA LAÏCITE DANS LA PENSEE D’ANDRE PHILIP

Ces deux caractéristiques sont exprimées dans un chapitre de l’ouvrage paru en 1957 de la fédération protestante intitulé « laïcité et paix scolaire ».

1/Le pluralisme

“Le cadre laïque se donne les moyens de faire coexister sur un même territoire des individus qui ne partagent pas les mêmes convictions” expliquait André Philip lors des débats à la Constituante de 1946 [1]



2/ Replacer l’enfant au centre de l’éducation conformément à la morale laïque

- Il est l’héritier de la pensée de Condorcet sauf que tout en reconnaissant l’importance du droit à l’éducation des parents, il place l’enfant au centre de son raisonnement.

Pour le socialiste André Philip, la laïcité était « l’affirmation d’un certain nombre de valeurs positives et c’est là le sens profond de la morale laïque » qu’il convient d’inculquer à l’enfant en tant que futur citoyen

CONCLUSION : Selon André Philip, il faut une éducation de l’enfant dans un environnement pluraliste et selon la morale laïque. Cela ne remet pas en cause ses éventuelles convictions religieuses, s’il est sûr de ces convictions. (Lire « laïcité et paix scolaire » p. 270 et 271)

Par conséquent, son anticléricalisme et sa foi n’empêchent pas un profond respect des autres convictions philosophiques et religieuses en particulier catholiques, et de désirer que les jeunes gens connaissent l’ensemble de ces convictions pour former de meilleurs citoyens.

Cette conception de la laïcité (pluralisme, replacer l’enfant au centre pour en faire un futur citoyen) marque aussi sa vision de l’éducation populaire…

Références

Scot Jean-Paul. « Loi Debré, liberté d’enseignement et dualisme scolaire », La Pensée, vol. 387, no. 3, 2016, pp. 127-141.

Encrevé André, Les protestants face à la « loi Debré » de 1959, Revue d’Histoire de l’éducation 2006, n°110.

Contribution d’André Philip, Laïcité et paix scolaire. Enquête et conclusions de la Fédération protestante de l’Enseignement, Paris, Berger-Levrault, 1957.


[1] Nous empruntons cette référence à Régis Debray dans plusieurs de ses interventions sur la laïcité.

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