facebook_icon twitter_512x512 mail

Catégories

Commentaires récents

Sites Amis

Mes coups de coeur

Presse lyonnaise

Archives

Syndication

La parole à… Gérard COLLOMB


Hier, j’étais à Izieu pour la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation. Je ne pouvais donc pas participer à la commémoration régionale et républicaine du Génocide des Arméniens de 1915.

Cela ne m’a pas empêché d’avoir une pensée sincère à l’égard de la communauté arménienne lyonnaise. En écho à cette journée, je vous propose de lire, ci-dessous, les mots prononcés, hier, par Gérard COLLOMB devant le Mémorial, place Antonin Poncet :

« « Plus nous avons de passé, plus nous avons de mémoire, plus nous avons aussi de responsabilité ». Ces mots sont ceux de Charles Péguy, grande voix du mouvement arménophile français qui, dès la fin du 19e siècle, avait dénoncé les premiers massacres des Arméniens de l’Empire ottoman.

Cette pensée, je l’ai souvent à l’esprit quand nous nous rassemblons année après année pour commémorer le génocide de 1915. Car la conscience aigüe de notre responsabilité doit rester pour nous un guide précieux. C’est elle qui confère à cette cérémonie toute sa solennité. Une solennité que n’altèrent ni l’écoulement du temps, ni l’indifférence de ceux qui ne comprennent pas le sens de notre recueillement, ni même l’hostilité de ceux qui s’y opposent.

L’an dernier, les célébrations du centenaire ont été un moment d’une rare intensité.

A Lyon, nous étions plusieurs milliers place Bellecour pour vivre cette commémoration à l’unisson avec Erevan.

Dans toute la France, elle fut l’occasion de rappeler l’importance du travail de mémoire, l’importance de l’engagement des historiens du monde entier qui, depuis cent ans, ont réalisé et continuent d’accomplir une œuvre considérable pour expliquer comment prit forme cette horrible tragédie, inaugurale du 20e siècle.

Et même si ce centenaire n’a pas été l’occasion du sursaut que nous attendions tous de la part de l’Etat Turc, si au contraire, ce dernier a persisté dans un déni obstiné, le mouvement pour la vérité et pour la mémoire est en marche. Et nous savons que rien ne pourra l’arrêter.

Nous le voyons à l’œuvre depuis plusieurs années au sein même de la société civile turque, avec des personnalités comme la sociologue Pinar Selek, l’avocate Fetiye Cetin, que nous avions accueillie à Lyon, le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, l’économiste Ahmet Insel, le journaliste et écrivain Cengiz Aktar et bien d’autres grandes figures encore.

Après Hrant Dink, assassiné en 2007 à Istanbul devant les locaux de son journal et dont nous avons attribué le nom à une rue de notre ville - de plus en plus nombreux sont les femmes et les hommes à faire entendre, là-bas, un langage de vérité, une exigence de justice et cela, trop souvent, au péril de leurs vies.

L’écho de leurs voix, c’est à nous qu’il appartient de l’amplifier.

Pour qu’il porte plus loin, plus haut, et qu’un jour les autorités turques comprennent qu’il n’est plus possible de l’ignorer, que la diversité des points de vue, comme celle des peuples et des identités n’est pas une menace pour l’unité du pays ; Qu’en niant l’extermination des deux tiers des Arméniens d’Anatolie, ce qu’elles nient, c’est aussi la richesse de leur propre passé,  celle d’un Empire ottoman qui lorsqu’il était multiculturel, savait réunir Arméniens, Grecs, Juifs et Musulmans.

Nous devons redire haut et fort que le refoulement du passé hypothèque l’avenir, parce qu’il ne peut que générer amertume et ressentiment.

Redire haut et fort que la reconnaissance des pages sombres de son histoire, loin d’être un déshonneur, grandirait la Turquie, la placerait au rang des nations qui font progresser la conscience universelle.

Oui, mes chers amis, notre responsabilité est de continuer à combattre le négationnisme, qui, nous le savons, est une perpétuation du crime.

A le combattre en Turquie. Mais à le combattre en France aussi.

C’est pourquoi avec quelques-uns d’entre vous j’avais défendu il y a cinq ans au Sénat, comme d’autres l’ont fait à l’Assemblée nationale, l’adoption de la loi pénalisant la négation du génocide des Arméniens. C’est pourquoi je persiste à penser que notre pays doit trouver une solution pour que cette loi puisse entrer en application.

Refuser le déni, l’oubli, l’occultation, exprimer notre solidarité totale avec le peuple arménien. C’est cela que nous avons voulu en érigeant ici ce Mémorial, au cœur de notre Métropole.

Monsieur le Président de l’Association pour le Mémorial Lyonnais du Génocide des Arméniens, Cher Jules Mardirossian,

Toutes celles et tous ceux qui y ont contribué se souviennent de l’énergie, de la persévérance, de l’opiniâtreté qu’il nous a fallu déployer pour y parvenir.

Comment oublier la virulence des critiques auxquelles nous avons dû faire face, la violence des oppositions qu’il nous a fallu surmonter, la multitude des objections - juridiques, urbanistiques, esthétiques même - qui étaient soulevées contre sa construction?

Mais aujourd’hui que de chemin parcouru. Nous ne pouvons que nous réjouir que les Lyonnais se soient approprié ce lieu, que nous puissions nous y retrouver chaque année, y compris désormais avec certains de ceux qui, par le passé, s’y étaient le plus résolument opposés. Pour moi c’est la confirmation éclatante qu’ensemble nous avions raison, parce que ce monument est porteur de sens.

Ce Mémorial,  nous l’avons voulu en hommage aux victimes, bien sûr, à toutes celles et à tous ceux dont on avait voulu effacer la trace.

Ces 36 pierres blanches, vues du ciel, représentent une partition du grand compositeur Komitas. Nous les avons disposées ici pour dire que jamais la voix du peuple arménien ne serait réduite au silence.

Nous les avons dressées pour dire que celles et ceux qui, sur le chemin de l’exil, trouvèrent à Lyon et dans notre région une terre d’accueil, un refuge, peuvent compter sur la volonté de notre ville de perpétuer l’élan de solidarité qui, après 1915, avait entouré les survivants du génocide.

Nous les avons érigées pour témoigner notre sympathie à une communauté pour qui le génocide est une plaie encore ouverte au fond du cœur.

Mais ce Mémorial, nous le voulons universel, dédié à la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui ont eu à souffrir de la barbarie des hommes.

C’est pourquoi dans ces 36 pierres blanches, nous avons inséré des roches d’Arménie, mais aussi du Liban, de Gorée. Car c’est bien contre tous les génocides, contre tous les crimes contre l’humanité que nous entendons nous élever. Parce que cette mémoire-là est pour nous une mémoire universelle.

Oui nous pensons que lorsqu’un peuple est victime d’un assassinat collectif, qu’il soit arménien, juif, tutsi, bosniaque, ukrainien, cambodgien, darfouri, c’est l’humanité entière qui est atteinte.

C’est cela la signification profonde de nos célébrations, le sens profond de ce Mémorial : être à la fois un repère pour la mémoire, un signal pour le présent et un appel pour l’avenir, l’expression d’une conscience en alerte.

Car nous sommes solidaires de tous ceux qui, de par le monde, demeurent menacés du simple fait de leur appartenance, de leur culture, de leur religion, de leur identité.

Et évidemment, j’ai une pensée particulière aujourd’hui pour les Chrétiens d’Orient, les Yézidis, et toutes les autres minorités persécutées, condamnées par centaines de milliers à fuir des territoires où vivaient leurs ancêtres depuis des millénaires, en Irak, en Syrie et en ces mêmes lieux, Alep, Dier Ez Zor qui, il y a cent ans, avaient vu le calvaire des Arméniens.

Nous pensons à tous ceux qui, dans tous les pays, sont les victimes d’un terrorisme qui, par le crime et le sang, voudrait imposer partout ses règles et sa loi, dans une tentative pour mettre fin à cette diversité des cultures qui est pourtant la richesse de notre monde.

Mais il est un conflit qui s’est rouvert et fait saigner nos cœurs.

Comment, en ce 24 avril, ne pas exprimer notre solidarité avec les populations arméniennes du Haut-Karabagh ? Depuis le 2 avril dernier, l’Azerbaïdjan fait de nouveau retentir le bruit des armes et du canon, des populations civiles y sont de nouveau prises pour cibles.  Nous savons à quel enchaînement tragique peut conduire la reprise d’un conflit qui, entre 1988 et 1994, avait fait près de 30 000 morts. Laisser se rouvrir un tel front dans le Caucase du Sud serait laisser s’instaurer à nouveau dans cette région du monde le deuil,  le chaos, la désolation.

C’est pourquoi nous souhaitons que la France puisse être à l’avant-garde du combat pour la paix dans le Haut-Karabagh.

C’est aussi cela le sens de notre rassemblement : refuser l’indifférence, ne pas détourner le regard, porter haut une certaine éthique de l’engagement, une vision de la place de la France partout dans le monde, au service de la liberté ! Cette responsabilité, nous devons l’assumer par fidélité à ce que nous sommes, par fidélité à ce qu’est l’histoire de Lyon.

Lors de sa venue dans notre ville en 2012, le Président de la République arménienne Serge Sarkissian disait : « Lyon sait ce qu’elle doit aux Arméniens ».

Oui, depuis Edouard Herriot et Justin Godart, notre ville sait ce qu’elle doit à la communauté arménienne, en termes de développement, de prospérité, de rayonnement, en termes d’exemplarité aussi. La communauté arménienne démontre en effet chaque jour qu’on peut garder un enracinement dans une culture plurimillénaire tout en portant très haut les valeurs de la France, les valeurs de la République. Par son histoire, la communauté arménienne incarne une certaine idée de ce qu’est l’homme, de sa dignité, de sa force de résilience, de sa capacité à tout reconstruire là où le néant aurait pu l’emporter.

C’est Daniel Varoujan qui écrivait :

« Sème, sème, même de l’autre côté de la frontière. Sème comme des étoiles, comme des vagues. Qu’importe si les bouvreuils pillent tes grains, je suis sûr qu’à la fin il y aura une moisson des perles fines. »

Eh bien, Mesdames et Messieurs, tous ensemble, aujourd’hui, nous semons. »

Commentaires

Commentaire de Abdel Achache
Date: 25 avril 2016, 23:32

Ce déni de l’état Turc de est incompréhensif ils aurait portant tant à gagner d’un repenti vis avis de la communauté mondiale vis à vis de sa propre histoire !

Poster un commentaire