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En mémoire des enfants d’Izieu


Ci-dessous, vous pourrez lire le discours que j’ai prononcé ce matin en tant que Président de la Maison des enfants d’Izieu  pour la commémoration de la rafle du 6 avril 1944

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“Mesdames et Messieurs les Elus, Mesdames et Messieurs, Chers Amis,  bonjour à tous,

C’est Victor Hugo qui disait « Les souvenirs sont nos forces, ils dissipent les ténèbres. Quand la nuit essaie de revenir il faut allumer les grandes dates comme on allume les flambeaux ».

Ce 6 avril est une grande date.

Il y a 73 ans des hommes armés sont venus de loin depuis Lyon, dans ce village perdu au flanc des montagnes. Les enfants de la colonie déjeunaient bruyamment en ce jour de vacances et ils n’ont rien entendu lors de l’arrivée des camions allemands. Seul, Léon Reifmann a pu s’échapper.  Deux mois exactement avant le débarquement en Normandie 44 enfants et 7 de leurs accompagnateurs sont arrêtés avec brutalité. Ils partent en chantant « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine » et arrivent au réfectoire de la prison Montluc avant de partir pour Drancy et pour les chambres à gaz, certains dans le même convoi que la jeune Simone Veil.

Le seul crime de ces enfants, pour certains d’entre-eux orphelins, et de leurs éducateurs était d’être juifs.

Izieu est un symbole de la cruauté de la personne humaine pour l’être humain et cette maison silencieuse et pourtant pleine de vie est la preuve indélébile des crimes commis par la haine raciale et antisémite.

Grâce à Beate et Serge Klarsfeld, grâce à Régis Debray, Sabine Zlatin et beaucoup d’autres, le boucher de Lyon Klaus Barbie a été confondu et confronté à ses actes lors d’un procès dont nous soulignerons l’importance du 30ème anniversaire cette année. L’ancien chef de la gestapo a été confondu par un télex qu’il avait envoyé et qui a permis d’appuyer l’accusation de crime contre l’humanité, crime imprescriptible.

Oui, ce procès a souligné l’échec du bourreau. Aujourd’hui chaque enfant a retrouvé un nom, une histoire familiale, une existence et pour presque tous une photo. Klaus Barbie a échoué à les faire disparaître de la mémoire humaine et sa condamnation  pour crime contre l’humanité était la 1ère en France dans un procès qui a aidé à ouvrir le chapitre de la mémoire des Lyonnais et des Français.

Ici, devant cette liste de noms, on doit souligner que ces enfants étaient des réfugiés, qu’il venait de toute l’Europe, que cette terre de l’Ain et de France les a accueillis grâce à des associations dont l’œuvre de Secours aux Enfants (OSE). Cette liste de noms d’enfants que l’on n’a pas pu sauver résonne dans notre actualité d’aujourd’hui.

Notre rôle, ici à Izieu, est de témoigner mais aussi de parler, d’expliquer et de dire que si l’antisémitisme sait changer de visage, tour à tour religieux, racial ou politique, notre époque retrouve toujours la même haine qui blesse et qui tue. Izieu doit être une mémoire pour comprendre les mécanismes de l’exclusion, pour expliquer jusqu’où mène la violence quand elle se heurte à l’indifférence.

Izieu doit rappeler aussi avec les figures de Sabine et Miron Zlatin mais aussi avec celle de Léa FELDBLUM, seule survivante que lorsqu’il y a des bourreaux, il y a toujours des justes et c’est un message que nous partageons avec nos amis du Chambon-sur-Lignon ou de Dieulefit.

La lutte contre toutes les formes d’antisémitisme, de racisme et d’intolérance est notre mission quotidienne.

En 2016, le Mémorial a reçu 27 000 visiteurs dont 50% d’enfants et d’adolescents. Nous avons participé à des colloques multiples en Israël, en Espagne, en Grèce, en Pologne, et en Belgique. Notre présidente d’honneur est allée rencontrer l’OSCE, l’Office pour la Sécurité et la Coopération en Europe où elle s’est exprimée dans le cadre d’un projet allemand lancé au plan international sur les défis de l’éducation pour faire avancer la tolérance, et la non-discrimination. Hélène a dialogué entre autres avec l’ambassadeur allemand en charge des questions d’antisémitisme. Elle a aussi rencontré le responsable de l’enseignement de la SHOAH pour l’UNESCO.

En 2016, en plus des 27 000 visiteurs, nous avons reçu de nombreuses personnalités, dont Bernard Cazeneuve alors Ministre de l’Intérieur qui a dialogué avec des jeunes visiteurs, nous avons accueilli l’ambassadeur d’Allemagne dans le symbole de la réconciliation qui a construit l’Europe dont venaient tous ces enfants réfugiés à Izieu. Nous avons accueilli des ambassadeurs de la Mémoire, Bastien Sadot et Arnaud Cogne du Lycée professionnel des métiers de l’automobile Emile Béjuit à Bron mais aussi Chloé Billard et Sophie Andrieu pour le Lycée de la Côtière à la Boisse. Merci à eux.

2016 a été aussi l’année des pavés en Belgique, l’arrivée du nouveau directeur Dominique Vidaud, de la 1ère séance du nouveau conseil scientifique et du vote par le CA de la feuille de route pour 5 ans de Dominique Vidaud. Le CA a aussi réfléchi sur l’éventuel passage de l’association originelle à une fondation et nous avons essayé de d’avoir une vision à long terme au-delà de 5 ans. Votre actuel président s’est donné pour mission d’être un passeur de témoin de la mémoire vers une autre génération qui doit s’investir dans nos instances, puis prendre la responsabilité du Mémorial.

Izieu, dans la France d’aujourd’hui, c’est une lumière qui se réfléchit dans les carreaux de notre nouveau bâtiment et qui porte loin comme vous pouvez le voir lorsqu’il y a du soleil mais c’est aussi une lumière symbolique.

Izieu, c’est un lieu important d’un réseau régional avec le Chambon, Dieulefit, Montluc, le CHRD, le Musée de Nantua, le Département de l’Ain et bien sûr l’Isère et Grenoble.

Izieu, c’est une ouverture sur les autres lieux de mémoire en France  mais aussi en Europe et dans le Monde. Izieu, c’est un mémorial qui interroge le passé, vit le présent et prépare l’avenir.

Oui, nous interrogeons le passé par des visites simples, des visites avec ateliers, des visites participatives, des visites parcours citoyens, des visites et témoignages et même des visites avec des artistes en résidence.

Izieu est le lieu d’une vraie recherche pédagogique, d’un vrai travail quotidien d’interrogation du passé grâce à nos équipes qui accueillent tous les publics. Cette pédagogie tient compte de l’âge avec des ateliers pour les primaires, pour le secondaire et de plus en plus pour les adultes.

Pour exemple, l’atelier parcours citoyen dans le cadre de l’enseignement moral et civique s’intitule « les différentes formes d’engagement pour défendre les valeurs d’un Etat de droit » et on voit que l’étude du passé nous amène au présent.

Le présent pour Izieu c’est donner à réfléchir aux visiteurs sur les stéréotypes et préjugés.

  • C’est le voyage dans le temps de l’antijudaïsme à l’antisémitisme, c’est aussi l’enfant dans les conflits que nous travaillons avec les classes du Chambon, de Roanne, de Vaulx-en-velin ou de l’Ain qui accueillent parmi leurs élèves des enfants réfugiés fuyant les conflits actuels.
  • Cette année, ce sont les élèves du lycée Pablo Neruda de St Martin d’Hères qui portent notre commémoration.
  • La cérémonie sera aussi marquée par l’intervention à 13h45 des étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon qui nous offriront un concert itinérant sur le site. Je les remercie vivement de leur présence active.

Tout cela nous l’avons réfléchi avec notre conseil scientifique qui nous aide à conceptualiser cette réflexion et ces actions.

Tout cela est possible grâce à nos financeurs : l’Etat, la Région Auvergne Rhône-Alpes, le Conseil général de l’Ain et tous les autres jusqu’au plus petit donateur.

Cette année a été marquée par une discussion un peu difficile avec la Région. J’ai souhaité que cette discussion reste strictement une discussion budgétaire dans le respect mutuel et je me réjouis que cette année nous soyons revenus à un soutien habituel et majeur de 240 000 euros par an de la Région qui est notre 2ème financeur et qui sait que nous avons bâti avec elle des relations de confiance sur le long terme. Je précise que notre premier financeur c’est l’Etat.

Le long terme, c’est l’avenir qu’il nous faut aborder pour finir après avoir interrogé le passé et réfléchi sur le présent.

L’avenir, je l’ai dit, c’est la mission de votre président et de son bureau du CA de transmettre la mémoire sacrée des enfants d’Izieu à une nouvelle génération. Cette génération est déjà dans l’association et dans le conseil scientifique et je souhaite la préparer au passage de témoin.

Je veux, nous voulons convaincre cette génération du pouvoir de la connaissance, de l’information et de l’éducation comme rempart à l’antisémitisme, au négationnisme et à toutes les formes de racisme. Plus nous apprenons sur les enfants d’Izieu, sur les crimes contre l’humanité touchant des enfants plus nous tissons des liens avec nos problèmes du présent.

Notre mémorial joue un rôle fondamental dans l’éducation, peut, et pourra dans le futur, aider les citoyens et citoyennes et surtout les citoyens et citoyennes en formation à dénoncer les falsifications et les mensonges de ceux qui exploitent l’ignorance, la peur et la haine des autres.

La date symbolique du 6 avril doit être un éveil à la tolérance et à la paix, un signal que le crime ne paie pas, et une motivation pour jouer notre rôle de petite lumière qui, à partir de l’horreur, a su ne jamais oublier, a su punir, mais a su aussi accueillir nos amis allemands, reconstruire avec eux et préparer un avenir européen dans la paix que les 44 enfants d’Izieu avaient trouvée ici à Izieu et que Barbie est venu troubler.

Le dimanche 14 mai, toute la journée, nous reviendrons ensemble et vous y êtes tous conviés, 30 ans après sur le Procès Barbie, un procès qui n’était pas une vengeance mais une naissance pour ces 44 enfants juifs vivants dans notre présent et notre avenir.

Oui, les souvenirs sont nos forces et ils dissipent les ténèbres. Oui, il faut allumer les grandes dates et le procès Barbie est une grande date comme le 6 avril est une grande date car ces 44 enfants et leurs 7 accompagnateurs sont bien des flambeaux allumés pour éclairer l’espoir d’un avenir du vivre-ensemble où nos jeunes générations continueront après nous à allumer chaque année la flamme du souvenir.

Je vous remercie. “

Commentaires

Commentaire de Durand Morel Claire
Date: 8 avril 2017, 15:14

Beau texte merci à toi
Claire élue à Bron

Commentaire de BOULANGER Yves
Date: 9 avril 2017, 8:39

MERCI de rappeler sans cesse que l’homme peut être un loup pour l’homme et notamment aux jeunes dont une partie semble ignorer cette séquence monstrueuse de notre histoire.
Hugo , forcément Hugo…
Mais aussi des gens comme Raymond Aubrac qui avait dit à des jeunes de notre village, Vanosc, dont l’école publique porte le nom: “Le passé est le garant de l’avenir.”

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