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Monument à la gloire des Femmes de 1914/1918


Nous avons inauguré samedi 10 novembre sur la « place des Poilus » un monument qui retrace le rôle des femmes dans la grande guerre.

A cette occasion, l’adjoint à la Mémoire, Jean-Dominique Durand a fait un discours remarquable que je souhaite partager avec vous.

« Madame le Maire du 3° arrondissement, chère Catherine Panassier,

Madame la Députée, chère Anne Brugnera,

Monsieur l’Adjoint au Maire de Lyon, délégué à la Démocratie participative, cher

Jérôme Maleski,

Madame l’Adjointe au Maire du 3°, déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants,

Chère Maud Roy,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les membres du Comité de Quartier,

Chers élèves de l’école Louise,

Mesdames et Messieurs,

Hier, nous avons inauguré ensemble les sculptures restaurées du parc Bazin, qui illustrent notre devise républicaine, Liberté, Égalité, Fraternité. Nous avons ainsi rendu hommage à la République et à ses valeurs.

Ce matin, ce matin, nous rendons hommage à des héroïnes de la République, et demain 11 novembre, nous nous inclinerons devant ces héros qu’ont été les poilus, ces combattants de 14-18 dont Édouard Herriot a voulu donner leur nom à cette place de Montchat, dès 1915.

Les femmes ont été longtemps oubliées, même par les historiens. Au lendemain de la guerre, les monuments aux morts les représentent comme des pleureuses, mères, épouses, fiancées, filles de soldats tués sur le front. On les voit dans des positions christiques, soutenant le soldat mort. Cette iconographie traduit la vision que l’on retient alors des femmes dans la guerre, et en 1919, la France leur refuse le droit de vote, lorsque l’Allemagne le leur donne.

Cette image de la femme désespérée est une réalité. Avec des millions de soldats sur le front, avec 1.400.000 morts, 4.266.000 blessés, dont près de 300.000 mutilés, les « gueules cassées ». 27% des hommes de 18-27 ans ont disparu. Les monuments aux morts égrènent les noms des morts. Ces morts, ce sont des vies ôtées, des familles en pleurs, une société qui s’effondre. Les listes révèlent parfois des fratries entières. Roland Dorgelès, l’auteur des Croix de bois, posait la question à propos des pertes subies à Verdun : « 300.000 morts, cela fait combien de larmes ? ». Oui, les femmes ont beaucoup pleuré. Les hommes aussi. Les femmes et les hommes, séparés par des centaines de kilomètres, ont partagé les peurs et les larmes, et les souffrances physiques et morales.

Pourtant, les femmes comme les hommes ont surmonté leurs peurs et leurs souffrances, et se sont battus. Les poilus se sont battus avec une incroyable énergie et un courage inouï. Les femmes se sont engagées pour que l’arrière tienne, pour que le pays tienne, pour que les soldats aient les armes nécessaires pour vaincre, pour que tous aient suffisamment à manger. C’était la condition de la victoire.

C’est cela que ces statues, ces silhouettes veulent exprimer et je remercie Joël Vergne d’avoir si bien su le traduire. Les femmes au travail, dans les champs avec une représentation d’une araire, dans les usines, avec un moteur Zenith, qui se fabriquait ici à Montchat, dans une usine transformée aujourd’hui en parc. Dans les usines d’armement, elles étaient « munitionnettes ».

Dès le 7 août 1914, le Président du Conseil René Viviani avait lancé cet appel aux femmes : « Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille ».

Les femmes marraines de guerre, ont eu un rôle très important dans toute la France, sur le plan moral : échange de correspondances, envoi de paquets de nourriture, fourniture de vêtements, notamment de lainages en hiver, ont permis aux soldats dans la misère des tranchées, de savoir qu’ils n’étaient pas seuls, qu’ils se situaient dans un formidable mouvement de solidarité. Dans cette action, bien des Lyonnaises se sont distinguées, de simples citoyennes comme Clotilde Bizolon surnommée « la maman des poilus », à Blanche Herriot, l’épouse du Maire, qui, dès le début de la guerre se consacra aux œuvres municipales en faveur des soldats. Laïques et catholiques se mobilisèrent pour aider les familles sans ressources en grande difficulté et les réfugiés qui affluèrent de Belgique et des régions occupées par les Allemands.

Les femmes ont oeuvré dans le soutien aux blessés comme infirmières, dans les hôpitaux de campagne comme dans ceux de l’arrière, particulièrement à Lyon, ville-hôpital, 70.000 bénévoles vinrent épauler les 20.000 infirmières professionnelles, religieuses ou laïques. Pour les blessés, elles étaient les « Anges blancs ». Les femmes furent aussi médecins ou firent avancer la science. Pensons à Marie Curie qui parcourait la ligne de front avec sa voiture radiologique qui permettait de localiser très vite les balles et les éclats d’obus, ou à Suzanne Noël à qui la Ville de Lyon vient de rendre hommage en donnant son nom à une place à Gerland : elle a fait faire des pas de géant à la chirurgie esthétique. Elle avait été reçue brillamment au concours de l’Internat en 1912. A partir de 1914, elle exerça à l’hôpital militaire du Val de Grâce à Paris, la chirurgie réparatrice, s’occupant notamment des blessés du visage, des « gueules cassées ».

Conductrices de tramway, boulangères, factrices, l’on pourrait énumérer tous les métiers. Il ne faut pas oublier non plus les femmes dans les régions occupées par les Allemands, qui ont subi une occupation très dure. Certaines se firent résistantes comme la Lilloise Louise de Bettignies à la tête d’un réseau de renseignements, ou l’infirmière britannique Édith Cavell qui organisa un réseau d’évasion de soldats alliés. D’autres militèrent pour la paix, comme ce millier de femmes issues de 12 pays, qui se réunirent à La Haye en 1915, point de départ d’un mouvement mondial des femmes pour la paix.

Cent ans après, ce monument entend rendre justice aux femmes qui ont tant œuvré pour le pays. Sans elles, les poilus n’auraient pas tenu, tous les témoignages le confirment. Ce monument a une valeur de témoignage et de reconnaissance. Pourtant, il a fallu encore beaucoup de temps pour permettre aux Françaises d’avancer dans l’égalité avec les hommes : le droit de vote est acquis en 1944, à l’issue d’une nouvelle guerre dans laquelle les femmes ont pris toute leur part de sacrifices ; le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation du mari, en 1965 ! Et nous savons qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir…

Alors merci à Thierry Philip et à Jérôme Maleski d’avoir permis à ce projet d’aboutir et à Catherine Panassier et à Maud Roy de l’avoir porté à bon port ».

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