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La parole à … Dominique STOPPA-LYONNET


J’ai souhaité donner la parole ce jour au Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, médecin généticien à l’Institut Curie : Si elle a fait de l’écoute et de l’accompagnement les femmes prédisposées au cancer son métier, elle ne cesse par ailleurs de veiller aux dérives éthiques et sociétales et aux risques de détresse que peut engendrer la médecine prédictive.


DSL


TESTS GÉNÉTIQUES EN ACCÈS DIRECT : ATTENTION, DANGER

BIOÉTHIQUE

La possibilité de faire analyser notre ADN à partir d’un prélèvement de salive envoyé dans une simple enveloppe, et les capacités de séquençage (lecture) à très haut débit de tout ou partie de notre génome, ont conduit à l’émergence de multiples sociétés de tests génétiques en « Direct to consumer » (DTC), le plus souvent américaines, mais accessibles au monde entier. Ces sociétés fleurissent et proposent en accès direct des tests à prix cassés, leur modèle commercial reposant sur une automatisation maximale des analyses mais aussi sur la revente des données générées, souvent sous couvert de participation à la recherche.

Certains des tests réalisés sont sans grand intérêt, futiles mais sans danger (aimez-vous les aliments au goût amer ?). D’autres contribuent à nous faire comprendre la multiplicité de nos origines, ce qui n’est pas inutile. Mais d’autres ont une portée médicale et exposent alors les utilisateurs à tous les dangers.

Prétextant avant tout la possibilité de prendre en main sa santé et la quête de bien-être, et au nom du principe d’autonomie, des tests identifiant des facteurs de risque de diabète, d’hypertension artérielle, de cancers sont ainsi réalisés en « Direct to consumer ». Pourquoi pas, si ces tests étaient de bonne qualité. Et si les personnes les réalisant étaient pleinement informées de leurs enjeux et de leurs limites. Rappelons qu’en France, le modèle voulu par le Parlement et les lois de bioéthique successives n’ont fait que renforcer un modèle ne dissociant pas la personne de son ADN.

Les services de génétique commencent à voir arriver dans leurs consultations des personnes qui ont réalisé des tests en « Direct to consumer » et se trouvent désemparées face à des résultats inquiétants. Nous avons récemment rapporté la mésaventure d’un jeune homme « au pays du DTC », qui, quelques semaines après l’envoi d’un prélèvement de salive en Italie, a reçu un banal courrier lui indiquant qu’il était porteur de deux rares facteurs de risque majeur de cancers, qu’il devait désormais être surveillé annuellement par IRM corps entier et par coloscopie, voire subir l’ablation du côlon, et qu’enfin, s’il avait un projet parental, le risque de transmission était majeur ! Seul « heureux » problème : ces résultats étaient totalement faux, de faux positifs, secondaires à l’utilisation inappropriée d’algorithmes bio-informatiques et à l’absence de validation par un biologiste compétent.

Besoin de contrôles

Au retentissement individuel de ces tests totalement erronés (anxiété, consultations répétées, examens aussi invasifs qu’inappropriés), s’associe le retentissement sur la collectivité et le système de soins : saturation des consultations, coûts des tests de contrôle et des éventuels examens médicaux complémentaires.

Les tests génétiques en accès direct réalisés sous couvert de tests de bien-être sont, de fait, de véritables analyses médicales et doivent passer sous les fourches caudines de l’autorisation du laboratoire, de l’agrément du praticien et de contrôles de qualité. Afin que les tests soient de qualité, aujourd’hui, le « Direct to consumer » est interdit en France par les lois de bioéthique. Une personne enfreignant la loi encourt une amende de 3 750 euros.

Mais ces lois forment un rempart bien fragile, internet se jouant des frontières. D’ailleurs, personne n’a été jusque-là condamné pour avoir réalisé un test génétique « par internet ». Il est indispensable d’avertir nos con­citoyens de la faiblesse, voire du danger, de ces tests et de les informer des critères de qualité qui doivent les régir en intégrant l’information en amont et l’accompagnement en aval.

La volonté de certains d’avoir accès à leur génome n’implique pas que des sociétés commerciales aient la liberté de donner des informations fausses, voire dangereuses. La réalisation de tests génétiques pilotée par l’intérêt du marché et non par l’utilité clinique risque de discréditer la génétique médicale dans son ensemble. Sachons choisir entre les lois du marché et les lois de bioéthique.

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