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L’Origine des MJC - Etape 4


mw52234- André Philip et les Jeunes

Je voudrais pour terminer revenir au début et à la fin de la vie d’André Philip.

Fils d’un militaire de carrière, né à Pont Saint-Esprit dans le Gard, il a été élevé par sa mère suite au décès de son père. Il raconte deux épisodes importants de sa vie :

  • Le premier, c’est dans son adolescence un jour où il prend le train. Il y avait à cette époque des porteurs et deux porteurs se battent pour obtenir de sa mère la possibilité de porter leurs valises. Le jeune André Philip se dit qu’il consacrera sa vie à faire en sorte que les gens n’aient pas besoin de se battre pour gagner leur vie.

  • Une autre fois, sa mère reçoit des amies pour le thé. C’est aussi le moment où l’on livre les sacs de charbons qui servaient au chauffage. Le jeune André Philip, adolescent, décide d’aider à porter les sacs de charbon en disant : « je préfère être du côté de celui qui travaille plutôt que de celui qui mange des petits fours… ».

Comme vous le montre l’exposition (voir mon prochain blog), quand il vote contre Pétain il est en fait, il le dit lui-même « dans une période de désespoir ». Il croyait que « tout était perdu » et il ne vote pas contre parce qu’il croit que cela peut servir à quelque chose mais « pour porter un témoignage » et dit-il « parce qu’il ne peut pas faire autrement ».

André Philip est d’abord un chrétien et un disciple du Christ. Il pense que son royaume n’est pas de ce monde mais qu’il doit être totalement dans le monde car il est envoyé dans le monde, dans la société pour essayer de faire avancer les choses et de prendre des responsabilités. Il dit « Nous sommes dans le monde intégralement avec toutes ses angoisses, toutes ses douleurs. Nous devons en accepter toutes les solidarités même les plus pénibles mêmes les plus douloureuses. Nous sommes dans ce monde mais pas de ce monde et c’est tout le problème de la contradiction de la vie chrétienne ».

J’en arrive à la fin de sa vie où quelques semaines avant sa mort il écrit cette lettre à un de ses petits-fils qui est affichée dans le temple et dont je voudrais citer quelques extraits pour terminer car c’est bien André Philip s’adressant à la jeunesse à la fin de sa vie. En fait, il s’agit de mon frère Guy. Je crois que ce message est toujours d’actualité au XXIème siècle.

« Nous sommes heureux de voir Mamie et moi que tu as traversé la première crise par laquelle on sort de l’enfance et prend conscience des responsabilités de l’adolescence. Tu as compris la chose essentielle. L’important dans la vie n’est pas de penser à soi mais aux autres hommes et parmi eux à ceux qui sont les plus malheureux, les plus humiliés ou les plus offensés. J’ai connu moi aussi cela tout jeune.

Te voilà donc vis-à-vis de tes responsabilités en face des autres hommes. Comment te donner à eux ? Comment les aider ? Pour le savoir, tu auras à suivre un long chemin de travail et de réflexion pour trouver toi-même la voie qui sera à la fois responsable et efficace et je voudrais à ce stade attirer ton attention sur certains problèmes et te demander d’y réfléchir :

1° - Tu m’exposes l’idée que l’homme est bon et généreux à sa naissance mais qu’il est happé par une société qui le conditionne et le pervertit. C’est la théorie de la bonté de la nature de l’homme développée par Rousseau que t’ont enseignés les professeurs de littérature. Le malheur est que cette conception est absente chez les malheureux du tiers monde qui constituent la majorité de la population de l’univers. Ils ont, eux, le sentiment que le monde est dominé par des forces mauvaises et que seule la création de groupes disciplinées, avec des règles et des coutumes, leur permet de se défendre contre l’univers. Si tu vas leur parler avec ce langage anarchique, ils ne te comprendront pas et aucun dialogue ne sera possible avec eux. Par ailleurs, je ne vois pas comment tu peux faire une opposition entre la société et les hommes comme si la société pouvait exister en dehors des individus qui la constituent. Une société quelle qu’elle soit, n’a pas d’existence en soi ; elle est constituée d’individus, en lutte ou associés, mais elle ne peut pas avoir d’autres caractères que ceux que lui attribuent les hommes qui la composent. En fait, chaque homme a sa personnalité et chacun tend à s’affirmer.

Je passe un peu plus loin…

2° - Tu as l’air de croire à la possibilité de créer une société nouvelle, fabriquée de toutes pièces et qui permettrait de créer un monde nouveau. Toutes les tentatives faites dans ce sens, dans l’histoire, ont abouti à des échecs terribles et ceux qui ont voulu créer, sur terre, le royaume de Dieu, n’ont abouti qu’à y généraliser l’enfer. On ne fabrique pas artificiellement une société juste : il faut à la fois susciter des hommes justes et créer des structures contraignantes qui facilitent leur évolution.

….

3° - Tu abordes le problème de la violence et tu l’affirmes nécessaire, après avoir posé la nécessité de l’amour. Cela me fait un peu penser aux gens de l’Inquisition au Moyen Age qui torturaient les corps afin de mieux sauver les âmes. Je crois pour ma part que la violence est toujours un mal. Il y a des cas concrets – Lutte pour l’indépendance d’un pays, pour la libération d’un groupe, pour la destruction d’un système féodal – ou dans un situation précise, à un moment donné de l’histoire où cette violence peut apparaître comme un moindre mal. Mais je crois qu’il faut, toujours, la détester. Dans l’action collective, ce n’est pas le but que l’on se propose qui est le principal, car il ne sera jamais atteint, c’est le moyen que l’on emploie, car c’est lui qui détermine le comportement psychologique par lequel les autres hommes se transformeront. Ainsi, celui qui lutte par la violence ne pourra-t-il créer qu’une société violente ; celui qui crée un groupe autoritaire pour imposer ce qu’il croit être la liberté, n’aboutira qu’à créer des institutions autoritaires. La violence ne peut avoir qu’un seul résultat, me semble-t-il : consolider le conservatisme, empêcher les modifications de structures indispensables.

4° - Enfin, tu dis qu’à cause de la structure sociale, l’homme n’est pas libre. C’est beaucoup plus complexe. Il n’y a jamais absence de liberté ni liberté totale. Il y a des déterminismes partiels, sur lesquels on peut s’appuyer afin de transformer les structures qui nous entourent, en pesant sur elles.

Voilà quelques points sur lesquels je voulais attirer ton attention pour que tu y réfléchisses, maintenant que tu es devenu adulte et que tu regardes la vie en face. C’est à toi de te construire toi-même, nul ne peut te remplacer dans cette tâche ; on peut seulement t’aider en te montrant quelques problèmes et en te demandant d’y réfléchir. Je voudrais cependant insister auprès de toi pour que tu suives quelques règles qui me paraissent fondamentales :

  • Toujours exiger de toi beaucoup plus que tu ne demanderas aux autres ;
  • Chercher à connaître le réel afin de pouvoir le transformer par des interventions successives, ce qui exige de ta part un travail acharné en particulier dans le domaine des connaissances techniques indispensables ;
  • Dans ton action, participer à des groupes qui varieront selon les moments pour en sentir la fraternité, partager leurs espoirs et leurs souffrances, mais en même temps ne jamais te laisser entrainer par leurs passions et te refuser à toute « sacralisation » d’un groupe collectif quel qu’il soit. Tu dois être totalement engagé dans un groupe pour l’action mais en même temps totalement dégagé de lui pour la réflexion et le jugement car c’est finalement toi, homme libre, qui dois prendre ta décision.

Voilà quelques idées auxquelles je te demande de réfléchir. Je serais très heureux de poursuivre la discussion avec toi mais je ne sais pas si je le pourrais étant donné mes ennuis de santé… ».

André Philip est mort une quinzaine de jours plus tard.

Je crois que cette lettre indique tout ce que André Philip a voulu mettre dans la République des Jeunes et les Maisons des Jeunes et de la Culture : cette notion de travail personnel, de travail collectif mais aussi de liberté individuelle.


J’espère vous avoir donné envie d’en connaitre un peu plus, peut-être que la meilleure façon de le faire serait de trouver (sur Internet) le Colloque du 13 et 14 mars 2003 qui s’est tenu à l’Assemblée Nationale et dont le titre était « André Philip, socialiste, patriote et chrétien ».

Je conclurai en disant : André Philip, socialiste, patriote et paroissien de la Paroisse des Terreaux.

Cette paroisse ne l’oubliez jamais était le symbole de la résistance protestante dès 1940. A ce moment de l’histoire, elle était l’honneur des Lyonnais et du Protestantisme français.

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