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Hommage à Véronique Trillet-Lenoir


Jeudi 17 aout dernier, à la Cathédrale Saint-Jean de Lyon, c’est avec tristesse que je rendais un dernier hommage à Véronique Trillet-Lenoir lors de ses obsèques. Vous trouverez ci-après mon propos :

« Chers amis,
Que c’est difficile de parler de Véronique au passé, elle si vivante, si enthousiaste, si pleine de projets et surtout si utile dans son mandat de députée européenne où elle a tant accompli en si peu de temps.
Je vais essayer quand même, non pas de parler d’elle au passé, mais de me retourner avec vous pour regarder tout ce qui a été fait par notre amie au cours de sa riche vie professionnelle mais aussi dans sa vie familiale. Paul et Philippe, j’espère arriver à vous dire à quel point vous pouvez être fiers de votre maman.
La vie de Véronique correspond tout à fait à la phrase d’Abraham Lincoln : « ce qui compte ce ne sont pas les années qu’il y a dans la vie, c’est la vie qu’il y a dans les années ».
Véronique, je l’ai croisée pour la première fois lorsqu’elle était l’interne de Michel Clavel au Centre Léon Bérard, puis lorsqu’elle était l’interne d’Elisabeth Biron à un moment où elle se destinait à la pneumologie. Gilles Freyer dira mieux que moi sa carrière aux Hospices mais je me souviens que ce sont les cancérologues et non les spécialistes d’organe qui ont poussé pour son agrégation. Nous l’avons beaucoup défendue auprès du CNU à une époque où le CNU de Cancéro n’aimait pas nommer des spécialistes d’organe. Nous avions expliqué qu’elle était une vraie cancérologue et surtout un vrai docteur à l’écoute de ses malades, empathique, clinicienne, rassurante et bien sûr hyper compétente. Nous avions aussi expliqué à un CNU 100% masculin qu’il était grand temps de nommer la première femme PUPH.
Gilles Freyer nous dira ce qu’elle a apporté à la cancérologie des Hospices et ses difficultés pour imposer la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité. Souvent je devais lui remonter le moral dans son préfabriqué qui illustrait la difficulté de cette construction d’une cancérologie moderne.
Je voudrais donc insister maintenant sur Véronique qui m’a succédé comme présidente du Cancéropole, Véronique que plusieurs d’entre nous ont mis en contact avec Jean-Jack Queyranne pour les élections régionales de 2015, Véronique qui fait le choix de rejoindre Emmanuel Macron en 2017 et Véronique qui devient députée européenne en 2019.

LA PRESIDENTE DU CANCEROPOLE CLARA D’ABORD
Ce cancéropole très particulier qui dès 2003 décide de réunir Rhône-Alpes et l’Auvergne dans un réseau entre hôpitaux, industriels, universités et organismes de recherche avec 2 centres anticancéreux et 3 CHU dans une relation gagnant/gagnant à l’échelle d’une région qui pèse presque 10% de la France. La caractéristique de ce cancéropole c’est le label INCa bien sûr mais surtout le rôle des collectivités locales avec d’abord la Région et Jean-Jack Queyranne, puis le Grand Lyon avec Gérard Collomb, le Conseil Général avec Michel Mercier et, très vite, ce que l’on appelle aujourd’hui les conseils départementaux de l’Isère, la Loire et de la Région Auvergne.Véronique m’a succédé et elle a fait avec Amaury Martin, puis Olivier Exertier un travail remarquable que nous avons célébré ensemble cette année pour les 20 ans du Cancéropole. Pendant 6 ans, Véronique a réussi à convaincre les collectivités de continuer à financer la structure. C’est un succès majeur car en France à force de financer des projets on oublie qu’il faut un « chef d’orchestre » qui coordonne, qui porte des valeurs et qui fait en sorte que tous les acteurs y trouvent leur compte. C’est la structure unique du Cancéropole CLARA qui en fait de loin le meilleur exemple en France de ce que doit être ce type de réseau.
Véronique, c’est aussi 269 projets financés avec de jolis noms ONCOSTARTER, PROJETS EMERGENTS, PROJETS STRUCTURANTS et surtout
la poursuite de la preuve de concept et donc du développement économique autour de la cancérologie en lien avec le Biopole avec des brevets, de la preuve de concept pour les chercheurs, de la levée de fond et des créations d’emplois pour les entrepreneurs.
Une autre particularité du cancéropole CLARA est la place des Sciences Humaines et Sociales et Véronique a continué à prioriser la prévention avec le rôle majeur de Franck Chauvin, et le lien avec l’environnement avec le rôle majeur de Béatrice Fervers.
Il faut dire un mot bien sûr de Véronique passionnée de langues et travaillant son chinois. Elle a apporté au Cancéropole la dimension internationale et cela restera comme un de ses apports majeurs. Elle évoquait souvent le rôle d’Alain Mérieux et de la Fondation Mérieux dans ce développement du Cancéropole qui est son œuvre.
Quel beau bilan conclu en 2020 par une succession parfaitement maîtrisée avec Pierre Hainaut et, avec une fois de plus, dans le respect des valeurs car si le premier président était issu du Centre Léon Bérard, la seconde des Hospices Civils de Lyon, voilà Grenoble l’Institut Albert Bonniot, le CEA et la preuve que ce réseau n’est pas que lyonnais et qu’il a, grâce à Véronique, continué son évolution. 10% du territoire français, 22% des publications de cancérologie. Merci à Véronique d’avoir été ce chef d’orchestre permettant à chacune et chacun de s’exprimer.

ET VOILA LA POLITIQUE SUJET OU ENCORE UNE FOIS NOS DESTINS SE CROISENT
J’avais quitté la Région à regret pour le Conseil Général et Jean-Jack Queyranne avait demandé à plusieurs d’entre nous si on pouvait lui donner des noms de médecins pour un rôle important sur sa liste. J’ai donné un seul nom car après avoir observé Véronique présider le Cancéropole, j’avais compris sa vision, son sens de l’intérêt général, sa capacité à comprendre les enjeux et les embûches financières et surtout j’avais compris son énorme ambition non pas pour elle mais pour la santé publique en général.
2ème de la liste Queyranne, elle devient conseillère régionale évidemment avec un rôle clef dans la commission santé malgré son statut dans l’opposition. En 2017, elle fait partie de ceux qui soutiennent le futur président Macron sans se fâcher avec Jean-Jack Queyranne et avec une certaine élégance vis-à-vis des Socialistes qui lui avaient mis le pied à l’étrier. Elle siège au groupe Renaissance et voici 2019 et l’élection Européenne, voici l’achèvement de toute une vie consacrée à la santé et voici une néophyte qui arrivera au Parlement européen et qui en 4 ans accomplira un travail fabuleux qui d’ailleurs a fait dire à des journalistes spécialisés qu’elle était la plus influente des députés dans le domaine de la santé.
Un bilan tellement riche qu’on ne sait pas où commencer et ou finir !

COMMENÇONS PAR LE PLUS ÉVIDENT – LE CANCER
Véronique a bataillé pour que le cancer devienne une priorité européenne. Elle a bataillé au côté de la Mission Cancer pour que le budget de recherche en santé soit conséquent et il l’est. Elle a bataillé pour le Cancer Beating Plan avant même le Covid. Je dis cela parce que les soins, les hôpitaux, les traitements ne sont pas une responsabilité de l’Europe mais des Etats Membres mais Véronique avait compris que pour lutter contre les inégalités entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud de l’Europe, il fallait une vision européenne et certes le Plan Cancer est une recommandation mais Véronique a plaidé avec succès pour qu’elle devienne une vision européenne mise en œuvre par les Etats Membres.
Puis est venu le Covid et l’achat groupé de vaccins et Véronique s’est engouffrée dans la brèche pour plaider pour une politique de santé à l’échelle de l’Europe.
Elle commence avec son rapport sur les menaces transfrontalières graves pour la Santé et son texte sur un véritable plan européen de l’urgence sanitaire. Construire une union européenne de la santé devient son objectif majeur et voilà notre cancérologue qui aborde la prévention, la lutte contre le tabac, l’environnement et la santé mais aussi le handicap, le rôle des aidants, la crise de sens après le Covid car Véronique continue à aller à l’hôpital chaque semaine et elle a compris l’importance de donner du sens pour les professionnels qui mettent en œuvre les politiques de santé. Elle est nommée rapporteuse, devient incontournable et jongle entre les enjeux de prévention, le prix des médicaments et l’enjeu de la formation des professionnels de santé en n’oubliant jamais la lutte contre les inégalités et en plaidant au passage pour que le droit à l’oubli né en France devienne une loi européenne.
Elle a été au cœur de ces 4 ans une compagne de route de l’organisation européenne des instituts du cancer que j’avais l’honneur de présider. Véronique était là en juin 2022 pour les entretiens de l’Institut Curie sous la coupole à Paris et encore en juin 2023, il y a deux mois, pour les Oncology Days de l’OECI où elle a évidemment conclu notre table ronde sur l’Europe.
Les Ministres, la Commission Européenne la consultaient de plus en plus souvent aussi et les hommages qui s’accumulent depuis le Président Macron en passant par de si nombreux ministres et parlementaires montrent à quel point elle était devenue celle qui portait les ambitions pour une Europe de la Santé.
Mesdames et Messieurs les parlementaires européens, il faut reprendre le flambeau, il faut poursuivre l’œuvre de Véronique qui en 4 ans a fait avancer tant de choses.
Alors Paul et Philippe, vous voyez à quel point vous devez être fiers de votre maman. Paul, tu as suivi la vision européenne de ta mère dans ton métier. Philippe, le petit dernier, tu peux être inspiré dans ton métier de rigueur par cette maman extraordinaire et tu as hérité entre autres de ton père la passion des voitures. [Par parenthèse, je te sais passionné de foot et de l’OL. Ta maman m’en parlait souvent en riant du fait que je n’avais pas réussi à te convertir à la « couleur verte » !].

LA PLUS BELLE RÉUSSITE DE VÉRONIQUE C’EST DONC BIEN PAUL ET PHILIPPE A QUI J’AI VOULU PASSER CE MESSAGE : SOYEZ FIERS D’ELLE
Pour moi qui suis un ami de Gilbert depuis plus de 45 ans, c’est évidemment cette partie de la Vie de Véronique que je connais le mieux et je revois cette belle cérémonie à Grimaud et le sourire du Professeur Trillet, son père, dans cette belle maison du midi que Véronique aimait tant.
La vie de Véronique, c’est aussi Franck Chauvin, un ami de toujours pour elle et un compagnon de route pour moi. Gilbert et Franck, vous avez côtoyé une belle personne. Je partage votre émotion ce jour.
Je ne veux pas m’aventurer sur le secret autour de la maladie de Véronique alors que nous, les cancérologues, sommes plutôt pour assumer. Je l’interprète comme la certitude qu’elle avait de vaincre ce crabe qu’elle a combattu toute sa vie et surtout comme cette volonté que rien ne puisse entraver ses ambitions non pas pour elle mais pour ses malades et pour faire bouger la santé publique au niveau européen.
Véronique me fait penser à cette phrase de Benjamin Disraeli, le premier ministre anglais « la vie est trop courte pour avoir le temps d’être petite ». Cette phrase, je l’ai partagée avec Michel Clavel qui luttait contre un mal impitoyable à l’époque et Véronique, qui ne comprenait pas que l’on ne puisse pas le guérir, m’a écrit une lettre après la mort de son patron pour s’excuser de ne pas avoir eu confiance en moi alors que nous respections simplement le secret le plus important de tous, le Secret Médical.
Le secret, elle a choisi de l’appliquer à sa maladie et c’est éminemment respectable. Le soir de sa réception dans l’ordre de la Légion d’Honneur elle a dit : « Il parait qu’un proverbe latin prétend qu’il y a du mérite à faire ce qu’il convient et non pas ce qu’il nous plait. Ayant eu l’immense privilège avec mon métier de faire ce qui me plait, je formule le souhait de pouvoir continuer à faire ce qu’il convient… ».
Véronique, tu as fait tout ce qui était possible, tout ce qui convenait. Merci pour tout.
Quand l’Union européenne de la Santé s’imposera définitivement, je suis certain que tu feras un beau sourire depuis là-haut !
Au revoir, Madame la Professeure, Au revoir, Madame la Députée,
Au revoir surtout Docteur car tu as toujours été d’abord une Soignante,
Au revoir l’Amie.”

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