Hommage à Gérard Collomb
Caroline Collomb m’a demandé de prononcer quelques mots lors de l’arrivée du cercueil de Gérard Collomb à l’Hôtel de Ville de Lyon.
Je reproduis ici mon message :
« Monsieur le Maire, cher Grégory,
Madame la Préfète,
Mesdames et Messieurs les élus,
Chers amis,
Nous sommes tous orphelins désormais, et peut-être, vous demandez-vous ce qui justifie que je prenne la parole à la demande de Caroline Collomb, moi qui ne suis, ni compagnon des traversées du désert, ni élu du premier mandat et pas de ceux qui ont suivi Gérard Collomb dans la grande aventure de l’élection présidentielle.
Caroline m’a dit qu’il m’aimait beaucoup, et moi aussi je l’aimais beaucoup.
Je l’aimais comme homme, parce que j’avais percé depuis longtemps sa sensibilité
Je l’aimais comme Maire parce que j’admirais les réalisations et surtout son amour pour cette ville et ses habitants
Et enfin, je l’aimais comme une personne malade car je suis le premier qu’il a appelé, …
Et s’il n’était pas question pour moi, ni pour lui qu’il ne soit pas soigné aux Hospices Civils, sa maison, il me faisait confiance.
Je lui ai conseillé où il devait aller et nous avons cheminé ensemble non pas comme médecin et malade (la merveilleuse équipe de Lyon-Sud le faisait très bien) , mais comme des amis qui avaient des choses à se dire et parfois pour moi, comme simple traducteur d’un langage médical que cet agrégé de lettres classiques, considérait comme une langue étrangère.
Il n’était pas seul dans son combat. Il se savait très entouré par sa famille et en particulier par Caroline et par ses enfants qui tous, comptaient tellement pour lui.
Depuis samedi, les hommages pleuvent et la vie de Gérard, son rôle au parti socialiste, ses origines modestes, ses yeux rieurs et sa grande culture sont soulignés.
Tous ceux qui ont écrit ces hommages, l’ont fait mieux que je ne pourrai le faire. Alors, je préfère faire ce qu’il aurait souhaité : parler de Lyon.
Et à cette occasion je préfère parler de lui et de la politique puisqu’il était Lyon et qu’il aimait la politique. En politique, il pouvait à la fois être dur comme un vrai politique et souffrir des réactions de ses amis à sa dureté, parce que sa sensibilité revenait vite à fleur de peau.
Gérard connaissait chaque rue de Lyon.
J’ai été son président de comité de soutien en 2008, et son candidat dans le 3ème arrondissement. Il m’avait dit de connaître chaque rue, de voir chaque personne comme si elle était unique et de me poser toujours la question de comment je peux changer les choses pour que cette personne voit la différence. Donc le politique, c’était un homme de terrain et tout simplement, quelqu’un qui aimait les Lyonnaises et les Lyonnais, et cela se voyait.
Gérard était Lyon et donc il adorait bien manger :
Il venait souvent au Halles pour rencontrer chaque commerçant et il ne dédaignait pas un petit verre ou un petit gratton.
Pendant cette année, on a évoqué ensemble la campagne de 2008, et l’invitation que j’avais partagée avec Dominique Perben pour manger des tripes, … comme il se doit dans un Bouchon et … au petit déjeuner…
Je ne suis pas sûr que Dominique Perben avait enlevé ses gants, mais je suis sûr qu’il a mangé un ou deux grattons avec dégoût. Le lendemain, un article de journal disait à mon propos : « Comment peut-on battre quelqu’un qui reprend cinq fois des tripes au petit déjeuner ? »
Ça le faisait bien rire !
Gérard était un bâtisseur.
Un bâtisseur parce que disait-il, il faut bien se loger, mais il était passionné aussi par l’architecture et les architectes, par la Skyline de la Part-Dieu, et bien-sûr par la Confluence.. Il avait beaucoup réfléchi sur la rénovation de la Duchère et beaucoup priorisé les banlieues-Est dans ses mandats métropolitains.
Ensemble, récemment, nous avons évoqué le rapport Borloo… C’est la dernière fois que je l’ai vu mi-octobre. Il pensait comme moi que ce travail extraordinaire fait pendant un an, vrai bottum-up avec les acteurs de terrain, était un document magnifique, qui n’aurait jamais dû être repoussé comme il l’a été.
Gérard, bien avant le ministère de l’intérieur était obsédé par la sécurité.
Quand j’étais Maire du 3ème arrondissement, il croyait à l’appel d’air si on baissait la garde, ….
Et moi avant lui sur ce sujet, je croyais au « en même temps ».
Donc il y avait bien quelques désaccords, mais quand il m’a expliqué que la sécurité c’était la première richesse de ceux qui avaient le moins, j’étais d’accord avec lui et dans ce domaine, j’approuvais sa manière de faire travailler tout le monde ensemble : la droite, la gauche, le gouvernement, … car pour lui ce sujet était trop important pour y mettre de la politique politicienne.
Gérard était conscient des transformations indispensables du fait du changement climatique :
Les aménagements des berges du Rhône, puis celles de la Saône, de la rue Garibaldi, le début de la réflexion sur l’axe Nord-Sud en faisaient partie…
Sur ce point, nos conversations se rejoignaient facilement :
- Lui croyait à la science et à la technique, au progrès scientifique et ce n’est pas un secret, j’y crois aussi.
- Lui, quand j’étais son vice-président et que nous discutions ZFE il croyait qu’il fallait absolument diminuer la place de la voiture en ville et sur les boulevards extérieurs, mais il savait aussi que les citoyens les plus en difficulté étaient ceux qui allaient le plus en pâtir. Il voulait donc y aller progressivement.
Il s’est surement réjoui que ses successeurs d’aujourd’hui tiennent compte de ces difficultés, mais il ne s’est sûrement pas réjoui s’il a eu le temps de l’apprendre , des amendes européennes récentes,… car quand même, dire comme le fait l’Europe, qu’on n’a rien fait à Lyon pour la qualité de l’air de son temps et qu’on ne fait rien aujourd’hui, c’est quand même un peu gonflé…
Gérard était complexe bien sûr et les élus qui sont là le savent, mais il respectait me semble-t-il, les différences… :
- Supporter de toujours de l’OL, il acceptait que je soutienne Saint-Étienne,
- Macroniste, mais faisant quand même partie de l’histoire du PS, il comprenait que contre vents et marées, on reste dans cette grande maison.
Au cours de cette année de cheminement, nous avons parlé, … car il fallait parler … il fallait parler de politique et de Lyon, mais pas de ceux qui disait-il l’avaient « abandonné ».
Moi, l’ami de tous, je connaissais les points de vue des uns et des autres et certains comportements, ou comme dirait l’autre, « Gérard n’était pas tout blanc ».
Alors je changeais de sujet pour revenir à Lyon et ses yeux rieurs s’éclairaient à nouveau.
Ce que je peux dire à ceux qui se sont éloignés pour de bonnes raisons, c’est qu’au fond il vous aimait et qu’il en était très malheureux. Je ne crois pas que la colère dominait chez lui, car sa colère était éruptive mais pas forcément durable.
Je crois que c’est sa grande sensibilité et j’ose le dire une forme de timidité qui l’empêchait de faire le premier pas.
Je dirais à certains d’entre vous puisque je le crois, qu’il était malheureux de certaines absences au cours de cette année, parce que c’étaient des personnes qui comptaient pour lui.
Je peux vous dire Monsieur le Maire qu’il était sensible à vos coups de fil et marques d’amitié.
Oui, Gérard était complexe, et ce n’était pas toujours facile d’être son adjoint ou son vice-président. Et disons-le aujourd’hui, c’était même difficile de travailler avec lui…
C’était cependant, nous en conviendrons tous, participer à une œuvre collective qui nous dépassait.
Gérard était très cultivé : il adorait profiter de sa position pour rencontrer écrivains et artistes.
Au cours de cette dernière année, ce n’était pas facile de parler de sa maladie autrement que furtivement, et il me faisait penser à Cyrano : « elle vient, mais… Puisqu’elle est en chemin, je l’attendrai debout,
Que dites-vous ? C’est inutile ?
Je le sais
Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès…
Non ! non !!
C’est bien plus beau lorsque c’est inutile… »
Et après Cyrano, il y a Jean Jaurès, son modèle qui disait cette phrase qui lui va si bien :
« Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remord pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir. »
Gérard, cet homme qui croyait à l’avenir de notre ville, qui disait être seul dans la réflexion, ne pas se laisser entraîner par un groupe, mais qui se disait solidaire des équipes et de l’action, restera pour nous tous les élus, celui qu’on appelle Gégé…
Il restera pour tous les lyonnais « Monsieur le Maire », pour l’histoire, il restera associé à sa ville de Lyon.
Et si on revient à Cyrano, même s’il savait n’avoir pas eu comme Cyrano, la sortie qu’il aurait méritée, je pense qu’on peut clore ce moment de partage en se rappelant les bons moments partagés, et en oubliant les moments plus difficiles.
On peut donc aussi se dire paraphrasant Rostand, qu’au moment de l’adieu, il y a malgré tout quelque chose qu’il emporte avec lui, quelque chose sans un pli, et sans une tache…
C’est…l’amour de Lyon, des Lyonnaises et des Lyonnais.
Adieu Gérard et Merci. »
Posté le : 28 novembre 2023 dans Points de vue.
Commentaires : 1
Commentaires
Commentaire de Caton Jacques
Date: 4 décembre 2023, 9:34
Mon cher Thierry
Merci beaucoup pour cet hommage que tu as fait au nom de tous ceux qui l’aimaient et qui admiraient ce qu’il a fait . Son œuvre restera à jamais presente dans notre ville comme le fut celle d’Édouard Herriot et de Tony Garnier.chaque fois que je vois entre autre la “Sky Line ” je pense à lui avec regret. Gérard nous ne t’oublierons pas. Encore merci Thierry de ce que tu as fait avec et pour lui.
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