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Mon discours de ce matin


Aujourd’hui, j”édite le discours que j’ai prononcé, ce matin, devant le Monument aux morts à l’occasion de la commémoration du 98ème anniversaire de la signature de l’armistice du 11 novembre 1918 :

J’édite, aujourd’hui, le discours que j’ai prononcé ce matin devant le monument aux morts de Montchat pour la commémoration du 98ème anniversaire de la signature de l’armistice du 11 novembre 1918 :« Aujourd’hui, dans chaque commune de France, au pied des monuments aux morts, nous nous arrêtons un instant.

Cette année, je suis très heureux d’accueillir pour la première fois au pied du monument au mort de Montchat les Jeunes Sapeurs-Pompiers du Rhône issus de la caserne Corneille, dans le 3e. Certains d’entre vous ont déjà pu découvrir leur engagement et leur passion lors du Banquet Républicain du mois de juillet et je les remercie pour leur présence en ce jour de commémoration. Ils rejoignent donc les jeunes du collège Molière qui sont des fidèles de ces moments importants et que je les salue également chaleureusement.

Pourquoi sommes-nous ici ?
Parce que, comme le disait Victor HUGO « Les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les ténèbres et quand la nuit essaie de revenir, il faut toujours allumer les grandes dates, comme on allume les flambeaux. »
Alors souvenons-nous :
Le 11 novembre, à 11h, il y a maintenant 98 ans, les chefs des armées en guerre se réunissaient au cœur de la forêt picarde, dans un simple wagon, pour arrêter la folie humaine, cette véritable « boucherie » qui mobilisât, pendant 4 longues années, les 5 continents.

Pour Lyon, la première guerre mondiale est un « combat de l’arrière » : nos rues ne furent pas envahies par les poussières d’une cathédrale en flamme comme à Reims ou encore par le gout amer des prises de guerre dans les foyers. Par contre, l’effort de guerre, le départ des hommes en âge de combattre ont atteint les bords du Rhône où l’on suit, au quotidien, l’avancée des combats, l’attente de nouvelles des pères, des fils, des cousins, des amis, des voisins combattant en Argonne, en Champagne, en Artois.

Pour ce 11 novembre 2016, j’ai choisi d’évoquer plus particulièrement 2 aspects. D’abord, l’année 1916, bien sûr, avec les centenaires de la bataille de Verdun mais aussi celle de la Somme. Ensuite, et vous ne m’en voudrez pas, de se souvenir de cette guerre en évoquant les évolutions majeures de la médecine, conséquences directes du conflit.

A cet instant, dans chaque commune française, comment ne pas évoquer le bataille de Verdun mais aussi la bataille de la Somme ? C’était en 1916. C’était, il y a 100 ans.

1916, c’est l’année de la lassitude, de la fatigue, de la stagnation. Tout l’imaginaire développé autour de ce premier conflit vient de cette seule année.
Verdun, c’est la guerre de position qui enterre les hommes. Verdun, c’est la modernisation des attaques qui fait alors découvrir l’horreur.
Verdun, c’est le combat pour gagner quelques mètres de terre.
Verdun, c’est cette boue de l’Argonne qui se colle aux hommes et ne laisse pas une partie du corps à l’abri de l’humidité. « Qui n’a pas combattu à Verdun ne connait rien de la misère humaine » s’exclamait le combattant Jacques PERICARD.
C’est aussi à Verdun que nait la figure du « Poilu », ce Français qui pensait partir pour quelques mois et qui n’a pas revu sa ville depuis 2 ans. Que peut bien représenter Douaumont, Saint-Mihiel ou encore Vaux pour un Lyonnais de 1914 ? Rien.

Par contre, deux ans plus tard cette géographie du Nord-Est est devenue familière. Elle appartient à tous.
Il faut dire qu’ils sont nombreux à être passés par Verdun pour tenir la ligne de front face à l’offensive allemande. 70 % des Poilus y combattirent. Ce combat fera 1 million de mort dans les deux camps pour tenir quelques forts militaires.

Le souvenir de Verdun est alors l’affaire de tous.

Alors que la bataille de Verdun s’enlise, une nouvelle offensive démarre en juillet 1916 sur le front de la Somme. Ici, les hommes du Commonwealth ont rejoint les combattants français. Cette Entente internationale n’a qu’un objectif : stopper la guerre. Je pense à ces soldats anglais bien-sûr mais aussi, canadiens, australien, néo-zélandais qui sont venus combattre entre Péronne et Albert. Je pense aussi à ces 96 000 travailleurs chinois débarqués dans le nord de la France pour participer à l’effort de guerre, ou encore à ces « héros de l’armée noire » arrivés d’Afrique pour défendre nos villes.

Car au-delà des combats, c’est aussi l’émergence d’une solidarité internationale qui naît dans l’effroi. L’armée n’avait pas de frontière, des milliers d’hommes sont venus mourir dans un pays qui n’était pas le leur pour défendre au-delà de la terre, les principes et les valeurs de la Patrie des Droits de l’Homme.
A l’heure où l’étranger est souvent montré du doigt, il me semble plus que nécessaire de s’en rappeler et de le rappeler.

Avec cette guerre « moderne », les Etats mais aussi tous les corps de la société se transforment et s’adaptent. En tant que médecin et Président de l’Institut Curie, j’ai eu envie, cette année, d’évoquer les évolutions majeures qu’a connues le monde médical durant la grande guerre.

En effet, soigner les revenants de Verdun ou de la Somme, c’est être confronté à des pathologies nouvelles, à des urgences auxquels il faut répondre en nombre. Nous connaissons tous l’héroïsme de ces brancardiers, l’esprit de camaraderie qui pousse à ramener son voisin de tranché pour tenter de le sauver.
Face à l’horreur, les médecins français font preuve d’innovation. Ce qui est appris au champ de bataille fera la médecine chirurgicale de demain. Avec cette guerre, on progresse dans le domaine du traitement des intoxications au gaz mais aussi dans la chirurgie reconstructrice des « gueules cassées ».

Permettez-moi aussi d’évoquer la plus célèbre de nos physiciennes : Marie CURIE. Grace à ses travaux sur la radiation et surtout son amitié avec RÖNTGEN, l’inventeur des Rayons X, elle met en place des « petites curies », des voitures radiographiques, pour approcher au plus près des combats et ainsi mieux identifier les fractures et lésions. 18 de ces véhicules arpenteront les champs de bataille. Elle équipera aussi 200 centres de radiologie dans les hôpitaux militaires tout en formant les médecins que nous appellerons plus tard « radiologues ». La grande guerre, c’est aussi le développement de la transfusion sanguine.

La grande guerre, c’est aussi un médecin lyonnais, Claudius REGAUD, qui inventera l’hôpital moderne basé sur l’hygiène mais aussi sur le lien entre soins et recherche mais aussi entre hôpital et enseignement. C’est encore lui qui, en 1919, avec Marie CURIE fondera l’hôpital du cancer qui deviendra plus tard la Fondation Curie et qui est l’ancêtre à la fois des Centres de lutte contre le cancer et des CHU, centres de soins, d’enseignements et de recherche.

Enfin, au-delà des traitements du corps et des réparations physiques, c’est aussi l’esprit et le mal psychique qu’il faut traiter. Quand le soldat redevient homme, il ne peut effacer totalement ce qu’il a vu dans les bois de l’Argonne ou sur les crêtes du bassin de la Somme. Il faut alors apaiser les hommes traumatisés, les blessés sans blessures physiques. Cela passe par de nouveaux procédés et c’est à cette période qu’on assiste au développement de la psychologie et de la psychiatrie.

S’exprimer, c’est aussi guérir. La période de l’après-guerre sera d’ailleurs particulièrement féconde en matière d’expression artistique ou littéraire. Les mots et les arts permettent d’extérioriser l’horreur, mais aussi de la partager, de la faire ressentir à ceux qui ne l’ont pas connu. L’acteur de l’Histoire devient témoin. Pensons à Henri BARBUSSE, Ernst JUNGER ou encore Roland DORGELES qui ont transmis à des générations d’Européens la véracité de ce qu’ils ont pu vivre.

Vous le savez, de cette grande guerre naîtra l’espoir d’une paix durable avec la création de la Société des Nations. Malheureusement, l’Europe du XXe siècle redeviendra le théâtre de nouvelles atrocités. Pour autant, les alliances qui ont vu le jour lors de cette première guerre mondiale seront réactivées et seront aux prémices de la construction européenne.
A l’heure où les nations se rétractent sur elle-même, à l’heure où le Brexit a marqué l’actualité internationale récente, il est bon de se souvenir de l’intérêt commun qui a pu guider la vision d’une Europe solidaire, celle de nations prospères et en paix que Victor HUGO appelait déjà de ses vœux.

Aujourd’hui, 100 ans après, la nature a progressivement repris ses droits à Verdun, à Péronne et plus largement en France. Tel est l’image du Bleuet ou du Coquelicot que nos amis britanniques portent en ce jour. Ces fleurs représentent la beauté dans l’adversité, celle que les combattants pouvaient apercevoir entre deux trous d’obus, au cœur de ces champs de guerre, véritables no man’s land. Elles représentent encore l’espoir d’un monde qui renait de ses cendres, mais aussi l’espoir d’un homme qui apprend de son passé.

Alors oui, souvenons-nous pour ne pas oublier. Souvenons-nous pour transmettre notre Histoire, cette mémoire collective qui dépasse les frontières pour s’inscrire aussi dans des histoires individuelles et familiales.

Je vous remercie. »

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