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La parole à… Jérôme Safar


J’ai rencontré Jérôme SAFAR sur les bancs de l’Assemblée Régionale alors présidée par Jean-Jack QUEYRANNE. Il travaille désormais à Villeurbanne comme Directeur de cabinet de  Jean-Paul BRET. Hier, il prenait la parole pour évoquer la décision de notre ancienne collègue Najat VALLAUD-BELKACEM de rejoindre une entreprise d’édition. Avec son accord, j’édite aujourd’hui son texte car je partage totalement son analyse :

Le 4 janvier, Najat Vallaud-Belkacem annonce qu’elle ne sera pas candidate à la présidence du PS. Qu’elle préfère prendre le temps d’une nouvelle expérience. Expérience professionnelle, afin d’être responsable chez Fayard d’une collection éditoriale qui lui permettra de prendre du recul et de réfléchir sur l’idée du progressisme et de vivre d’autre chose que de la politique.

En somme, exactement ce que réclament les Français de leurs élu(e)s.
Personnellement je trouve ce choix salutaire et sain. Je le trouve aussi intelligent de sa part. Je ne doute pas d’ailleurs que Najat Vallaud-Belkacem jouera un rôle dans la reconstruction et la réconciliation “des gauches” ou des progressistes car ce terme va au-delà de la gauche, c’est ce qu’Emmanuel Macron a su talentueusement capter.
En revanche je suis vraiment plus que perplexe devant la violence et l’ironie moqueuse de certaines réactions suscitées par le choix fait par cette responsable politique de premier plan.

À partir du moment où elle annonce son projet professionnel les railleries et procès d’intention fleurissent. Le dénigrement est pernicieux, il sous-entend que cette femme, jeune, serait à peine capable de réfléchir et que lui confier une telle responsabilité relèverait du scandale. Il attaque encore la ministre qu’elle n’est plus comme si cela devait aussi entrer en compte dans le choix fait par cette grande maison d’édition… d’ailleurs, cette dernière jetterait évidemment l’argent par la fenêtre avec un tel projet de recrutement… c’est mal connaître l’entreprise et au passage, si c’était le cas tous les ancien(ne)s ministres seraient en train de se la couler douce dans un placard quelque part dans un groupe français… cela a existé, mais nous parlons d’un temps qui est loin.

Aujourd’hui la crise est passée et les entreprises dignes de ce nom n’opèrent plus ainsi. C’est aussi mal connaître Najat Vallaud-Belkacem, avec qui j’ai fait mes premiers pas de conseiller régional en 2004, et dont j’étais le voisin dans l’hémicycle. C’est une travailleuse acharnée, ambitieuse aussi, et alors? Toutes celles et tous ceux qui n’ont vu en elle qu’une image se sont lourdement trompé. Elle travaille beaucoup, elle comprend vite et apprend aussi très vite. C’est une personne brillante, à l’opposé des caricatures aisément colportées. Évidemment elle sait aussi agir en fonction de ses intérêts, mais c’est vrai elle est surement la seule…je pense que sa défaite aux législatives a été un des bouleversements majeurs du printemps 2017. Elle a “payé pour l’œuvre” si vous me permettez cette expression familière. Pourtant elle aurait été utile, et sur le terrain (au moins ferait-elle le travail…) et dans le débat d’idées. Mais ce qui est fait doit nous amener à regarder devant nous, pas sans cesse à remâcher les déceptions. Les électeurs et électrices sont souverains dans leurs choix et ceux-ci ont aussi un sens au-delà des personnes concernées.

Il est temps de savoir collectivement ce que nous voulons. Si nous souhaitons des politiques ancrés dans la réalité, on ne peut pas leur tomber dessus dès qu’ils/elles font un pas de côté et cela même si ils/elles le présentent comme une respiration intellectuelle… ce qui est profondément le cas et n’a rien de choquant !

Notre pays doit changer, lorsque j’étais adjoint au maire entre 2001 et 2008 et en même temps collaborateur d’un grand groupe j’ai dû affronter l’incompréhension (et la jalousie aussi) des élus et du microcosme qui ne comprenait pas à quel point c’était une richesse d’être ancré dans cette réalité. Le seul endroit où je me ressourçais était l’entreprise. J’y étais un collaborateur parmi d’autres, bien entendu avec les responsabilités électives, mais j’ai l’habitude de dire que mon expérience dans ce groupe a été mon “ENA personnel”… j’y ai appris, énormément, tant sur moi que sur la nature humaine.
Je vais rendre concret ce que je vous dis. En tant que responsable RH, dans les premières semaines de mon arrivée au sein de ce groupe, j’ai dû aller expliquer à un groupe de la maîtrise la mise en route des accords sur les 35h… j’y suis allé en “militant”, sûr de porter la bonne parole. Dire que le succès fut mitigé est un euphémisme… et mon DG de l’époque m’avait immédiatement expliqué que j’allais devoir laisser quelques certitudes au vestiaire (avec bienveillance et un certain plaisir c’est vrai). J’étais en plein dans la vie réelle, les loisirs autour des rtt n’allaient pas de soi pour tout le monde, les heures sup moins payées étaient un réel problème de vie quotidienne… inutile de dire que j’étais redescendu de quelques étages …

Étais-je compétent pour ce job que j’ai adoré faire pendant presque huit ans? Académiquement non. Mais je l’avais voulu, j’avais dit clairement à Jean-Paul Huchon qu’après mon travail à ses côtés je VOULAIS travailler en entreprise, et la personne qui m’a recruté aux RH chez Bouygues, un très grand patron de ce groupe, René Jacot m’a embauché un lundi matin à 7h00 du matin (on se lève très tôt dans le bâtiment, comme dans d’autres activités) dans les bureaux du groupe situés sur les Champs Elysées en me disant textuellement quelque chose qui restera en moi jusqu’à la fin de mes jours: ” vous allez faire des RH, parce que vous avez fait de la politique et que pour en faire il faut aimer les gens, savoir les comprendre et les écouter, comme pour les RH… pour le reste, vous lirez, vous écouterez et questionnerez les plus expérimentés…”fermez le ban…il prenait le risque de m’embaucher et de sortir du cercle. Mais il savait pertinemment où il voulait aller avec moi. Et sincèrement je lui en serais reconnaissant jusqu’à la fin de mon existence.

Alors NVB est-elle compétente ? A-t- elle ouvert son carnet d’adresse? Assurément ! Elle a fait ce que chacun d’entre nous savons faire quand il s’agit de notre avenir, et elle a construit avec une entreprise un projet qui lui permettra (ou pas) de continuer à s’engager et à réfléchir. Elle va devoir maintenant relever ce nouveau défi professionnel !
Laissons la possibilité de ces parcours se réaliser pour celles et ceux qui ont eu des responsabilités et qui ont démontré un sens du leadership, une capacité de décision, une capacité de projection et de compréhension des enjeux … participer à des projets d’entreprise … c’est cette capacité de “respiration” qui renouvellera la politique, qui l’ancrera définitivement dans le réel, bien plus que le jeunisme ou le dégagisme d’un temps, c’est aussi une source de richesse économique pour les entreprises qui comprennent que ces collaborateurs/trices curieux/ses, connectés à une réalité institutionnelle qui est très présente dans l’économie sont source de valeur ajoutée si l’on sait les positionner là où ils/elles peuvent utiliser leur talent au service du collectif. Ce n’est pas toujours simple, mais c’est humainement passionnant et intellectuellement réjouissant pour chacun.

Il y aura des succès et des échecs, comme dans tout projet, et toute prise de risque.

En ce qui me concerne, au-delà des railleries et condamnation immédiates j’ai envie de dire, bravo Najat pour ce choix sain et encore trop peu commun et belle aventure professionnelle ! “

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