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Mon interview dans le Progrès de samedi


La semaine dernière, je répondais aux questions de Sandrine Chabert, journaliste du Progrès. Voici mon interview, parue dans l’édition du samedi 10 mars.

Thierry Philip : « Je reste un homme libre »

Il a choisi de quitter son fauteuil de maire du 3e  après dix ans de mandat. S’il reste vice-président de la Métropole et conseiller municipal jusqu’en 2020, Thierry Philip s’apprête à tourner la page de la politique. Sans regret.

Dans quel état d’esprit quittez-vous la mairie du 3e  ?

« Je suis très serein. C’est une décision longuement mûrie. »

Pourquoi démissionner maintenant ?

« Je ne souhaite pas me représenter en 2020 : j’aurai alors 70 ans. Je laisse donc le temps à mon équipe de préparer la suite. Je veux aussi me consacrer à ma famille et à la cancérologie. Je reste président de l’Institut Curie et je prendrai, en juin, la tête de l’Organisation européenne des Instituts du cancer. »

Quelles ont été les réactions à votre démission ?

« J’ai reçu beaucoup de lettres extrêmement gentilles de la part de mes administrés. La majorité des gens ont compris mon point de vue. Je crois qu’ils ne m’en veulent pas. »

Et du côté de vos amis politiques ?

« La plupart des élus de mon équipe me souhaitent bon vent et m’assurent qu’ils feront le maximum pour que ça marche. Une minorité me dit vouloir arrêter en 2020 : ce sont des élus qui me disent avoir beaucoup apprécié de travailler avec moi et ne pas envisager de repartir si je ne suis plus là. Certains m’ont reproché de m’en aller avant la fin du mandat et d’avoir écouté Gérard Collomb et Georges Képénékian pour le choix de Catherine Panassier. C’est décevant. »

Certains craignent qu’à cause de votre départ, le 3e  bascule en 2020…

« Les cimetières sont remplis de gens indispensables ! Certes, j’ai pesé dans le 3e , j’ai un nom, un bon contact avec les gens de droite et de gauche. Je suis assez consensuel. Mais l’important ce n’est pas moi. Si La République En Marche (LREM) veut imposer les 36 noms de la liste du 3e aux prochaines Municipales, alors ce sera plus dangereux que mon absence ! Ce qui a fait notre réussite, c’est la diversité de notre équipe. Ce qu’a réussi Gérard Collomb, c’est de faire travailler ensemble des gens différents : c’est ça le modèle lyonnais. Dans mon équipe, il y a des écologistes, des communistes, des gens de la société civile… Ils n’ont jamais été dans l’opposition mais dans l’apport. Gérard Collomb l’a lui-même rappelé aux élus fin janvier : la victoire de 2001 est d’abord due à la division de la droite. Alors, si son équipe se divise, il y a un risque, il a raison. Et ça, c’est beaucoup plus important que Philip ou pas Philip… »

Catherine Panassier elle-même semble avoir été surprise qu’on ait pensé à elle pour devenir maire du 3e [ndlr. elle sera élue ce samedi matin]. A-t-elle les épaules pour vous succéder ?

« Oui je le pense. Elle a eu à porter des dossiers très compliqués dans le cadre de sa délégation à l’urbanisme. Et elle a une fibre sociale, ce qui est très important pour moi. J’ai confiance en son humanité. En 2008, quand elle est arrivée, elle était un peu techno, mais elle a énormément progressé. Elle a une expérience dans le management, elle est élue à la Métropole, elle est présidente de Grand Lyon Habitat… C’est un très bon choix, c’est pourquoi je ne m’y suis pas opposé. »

Elle n’était donc pas votre choix…

« Elle l’est vite devenue. Tout autre choix aurait créé des bagarres au sein de l’équipe. On en a d’abord parlé avec Georges Képénékian, puis avec Gérard Collomb. On a fait le tour des hypothèses. Et puis ce n’est pas pour me déplaire qu’une femme prenne la suite. Je lui fais une entière confiance. »

Jérôme Maleski, votre premier adjoint entre 2008 et 2014, aurait aussi pu vous succéder…

« Cela aurait été le cas s’il était resté premier adjoint pendant ce mandat. Il était le plus légitime, mais il est aujourd’hui adjoint à la Démocratie participative en mairie centrale, très engagé dans sa délégation. En tout cas, il a réagi avec énormément de classe. »

Vous qui êtes resté socialiste, ça ne vous dérange pas de laisser votre fauteuil à une élue MoDem…

« Moi, je préfère une MoDem qui l’est depuis longtemps à des socialistes fraîchement passés à LREM ! Je ne me sens pas redevable de trouver des postes à des ex-socialistes : ils ont fait leur choix, j’ai fait le mien. »

Pourquoi n’avez-vous pas rallié vous aussi LREM ?

« Je suis quelqu’un de fidèle, j’ai du mal à quitter les choses auxquelles je crois. C’est une discussion que j’ai eue avec Gérard Collomb, il y a un an. Je lui ai demandé s’il avait quelque chose à me reprocher comme vice-président de la Métropole ou comme maire du 3e. Il m’a répondu “Non, c’est parfait”. Alors je lui ai dit que je restais un homme libre avec ma propre réflexion. Il y a des choses qui me plaisent chez Emmanuel Macron, notamment sur l’Europe qui est pour moi l’avenir de notre pays et de notre jeunesse. Aujourd’hui, les limites politiques ne sont plus entre la gauche et la droite, il y a du populisme des deux côtés. Il y a une gauche et une droite de gouvernement, que Macron a, en partie, réussi à réunir. Mais je trouve qu’il marche trop sur sa jambe droite. »

Avez-vous compris que certains de vos proches comme Anne Brugnera, aient, eux, franchi le pas ?

« Moi je comprends tout. Mais quand elle dit en substance : “Si Gérard Collomb pense blanc, il faut que je pense blanc”, je désapprouve. »

C’est peut-être pour ça qu’elle est devenue députée et pas vous ?

« En 2009, pour les Européennes, Gérard Collomb m’a vraiment soutenu jusqu’au bout. C’était un moment où j’en avais vraiment envie, mais ça ne s’est pas fait [ndlr. le PS lui a préféré Vincent Peillon]. Aux Législatives de 2007, si Jean-Louis Touraine n’avait pas battu Jean-Michel Dubernard, le tour d’après c’était moi qui y allais. Il faut aussi être là au bon moment. »

Autre occasion manquée, le Sénat…

« Gérard Collomb avait décidé de repartir et il n’y avait pas de place pour deux Lyonnais. J’ai compris un an avant que c’était plié. Mais si j’étais entré au Sénat, je ne serais pas devenu président de l’Institut Curie ! Début 2013, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, m’a confié, avec le directeur général de l’Inserm, une mission interministérielle sur l’Oncopôle de Toulouse. C’est à ce moment-là que je me suis réinvesti dans la stratégie de la cancérologie. Dans la foulée, en septembre de la même année, on m’a proposé la présidence de l’Institut Curie. Avant d’accepter, je me suis demandé : “Qu’est-ce que j’ai envie de faire du temps qu’il me reste ?”. Deux mois plus tard, c’était fait. Je suis complètement reparti là-dedans. Ça m’a rajeuni de vingt ans ! »

Votre carrière de médecin a été brillante, votre carrière politique contrariée. Pas trop difficile de se faire doubler dans le monde politique ?

« Une tête qui dépasse, ce n’est jamais très bon. On a plus envie de la couper que les autres. J’ai plus une personnalité de numéro un. Donc, les numéros uns se méfient de moi. Je regrette que l’énorme majorité des élus soient dans le coup d’après, tout le temps. Moi je suis là où je suis et nulle part ailleurs : c’est pour ça que certains me sont passés devant. Moi j’ai commencé à 54 ans, c’est tard pour démarrer une carrière. La malchance des Sénatoriales m’a mené à Curie, où je vais rester jusqu’en 2024. Je suis beaucoup plus fait pour ça. Je n’ai pas de regret, je ne vis pas dans le passé. En tant que cancérologue, je sais que la vie est plus courte qu’on ne le pense parfois. Moi, je regarde toujours devant et jusqu’à présent, ça m’a plutôt réussi. Tous les postes que j’ai eus je les ai quittés de mon propre chef et j’en tire une certaine fierté. »

À quoi va ressembler votre nouvelle vie ?

« Travail du lundi au jeudi à la Métropole et à Curie ; vendredi, samedi, dimanche pour ma famille et pour moi. Je veux profiter de la vie ! J’ai aussi des bouquins dans la tête : un sur la santé et l’environnement, un sur l’évolution du système de santé : j’ai envie de plaider pour les établissements privés à but non lucratif. Pour moi, c’est le bon système : la souplesse du privé avec les valeurs du public. »

Propos recueillis par Sandrine Chabert

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