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Mon discours d’hier à Montchat


Ci-dessous, mon discours prononcé pour la commémoration à Montchat du 96ème anniversaire de la signature de l’armistice du 11 novembre 1918 :

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1914. Il y a un siècle, à cette date, l’Europe s’enflammait. De juin 1914, à la fin de l’année, les 6 derniers mois de l’année 1914 furent ceux du suicide de tout un continent.

Un suicide collectif, entrainé par 2 assassinats.

Le premier a lieu le 28 juin à Sarajevo. L’archiduc autrichien François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche est assassiné. Après un attentat manqué, il est tué par la balle d’un jeune serbe bosniaque, membre d’une organisation terroriste anarchique. Les autorités autrichiennes soupçonnent le gouvernement Serbe d’avoir commandité l’attentat, influencé par l’Allemagne. Les relations diplomatiques se rompent entre l’Autriche Hongrie et la Serbie.

Le gouvernement austro hongrois riposte et lance un ultimatum à la Serbie et une guerre préventive : les prémisses d’une guerre totale.

Le deuxième assassinat a lieu un mois plus tard. C’est l’assassinat de Jean Jaurès par Raoul Villain le 31 juillet 1914. Ce jour-là, les pacifistes perdent leur leader.

Aujourd’hui, les 100 ans du déclenchement de la première guerre mondiale coïncide aussi avec ceux de sa mort.

Dès 1905, anticipant la catastrophe d’une guerre qui couvait, Jaurès avait fait du combat contre la guerre et pour l’instauration d’une paix durable dans le monde, son engagement le plus important.

Le 23 juillet, une semaine avant sa mort, Jaurès était à Vaise, à Lyon : « Citoyens, je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole. »

Jaurès explique aux lyonnais venus l’écouter comment, par le jeu des alliances, c’est toute l’Europe qui menace d’être précipitée dans la guerre, pointant la responsabilité des différents gouvernements qui, par leurs politiques impérialistes ont suscité partout une montée des nationalismes dans les opinions publiques.

«Vous avez vu la guerre des Balkans dit-il ; une armée presque entière a succombé (…) une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille (…) cent mille hommes sur trois cent mille.

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans (…) mais  quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! ».

Jaurès prend la tête du combat contre la guerre qui n’a jamais n’a été aussi proche même si, pour l’instant, la France et l’Allemagne ne se sont encore engagés qu’à travers leurs alliés.

Dans les jours qui suivent son discours à Lyon, Jaurès va jeter toutes ses forces dans la bataille pour la paix. Son article de l’Humanité du 27 juillet a encore pour titre « une lueur d’espoir ». « L’irréparable n’a pas encore été commis, écrit-il et tant que l’irréparable n’est pas accompli on peut espérer que par un suprême effort de sagesse, les gouvernements comprennent à quelle horrible catastrophe le monde serait conduit ».

Le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie mais Jaurès ne renonce toujours pas. Il multiplie les rencontres et les réunions pour calmer les esprits en appelant au « sang-froid » de chacun.

 Le soir du 31 juillet à 21h40 Raoul Villain tire deux balles à bout portant sur Jaurès. 

 A ce moment là, c’est la paix qu’on vient d’assassiner. La mobilisation à Paris commence dès l’après-midi du lendemain. La guerre est là qui va causer, comme l’avait annoncé Jaurès dans son discours de Vaise, des millions de victimes.

 L’historien Elie Halévy écrit dès 1916 : « Le jour où Jaurès a été assassiné et où s’est allumé l’incendie de l’Europe, une nouvelle ère de l’histoire du monde s’est ouverte »

Jaurès mort, le glas a retenti, place au tocsin…

Dans les campagnes et les villes de France, des milliers d’hommes, de jeunes, sont appelés à la guerre.

Le 1er jour d’août, le lendemain de l’assassinat de Jean Jaurès, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie et lance une mobilisation générale. L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août. Le 4 août, le Royaume Uni rentre en guerre. Le 6 aout l’Autriche Hongrie déclare la guerre à la Russie. Le 12, la France déclare la guerre à l’Autriche Hongrie.

L’affrontement prend un caractère mondial. Les colonies et le Commowealth se mobilisent. Le Japon déclare la guerre à l’Allemagne le 23 août, la France et le Royaume-Uni à la Turquie le 3 novembre.

Les forces en présence sont équilibrées. D’un côté la Triple Alliance composée de l’Allemagne, l’empire Austro-hongrois et l’Italie. De l’autre, la triple entente avec la France, le Royaume Uni et la Russie Impériale.

2 jours après la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, la bataille de Morhange, première des batailles franco allemandes, est engagée en Lorraine. Les massacres commencent sur les terres de France.

L’Europe s’enflamme et plus rien ni personne ne semble être en mesure de l’arrêter. En 6 mois et après 2 assassinats tragiques, l’Europe s’est enflammée, un continent s’est précipité.

Nous savons le triste bilan des 4 années qui suivent : au moment où l’Allemagne signe l’armistice en ce 11 novembre 1918, ce sont environ 9 millions d’européens qui sont morts. En France, 1 400 000 personnes furent tuées dans un pays qui comptait alors moins de 40 millions d’habitants et on sait toutes les conséquences économiques et sociales que ces chiffres impliquèrent. 2 millions de morts en Allemagne, 1,5 millions en Autriche-Hongrie, 1,7 en Russie, 1,4 en France, 750.000 en Italie et la liste des pays continue encore avec la Grande-Bretagne, la Serbie, la Roumanie, la Belgique, d’autres encore… A ceux-là s’ajoutent ceux venus d’Amérique, du Canada, d’Angleterre pour défendre une terre qui n’était rien pour eux.

La tuerie prolongée et généralisée, la mort de masse, la boue des tranchées, les pluies de fer et de feu, sur des lignes de front désespérément immobiles. Tout ce cauchemar qui ébranle les valeurs traditionnelles et l’optimisme de générations entières. Le pacifisme, l’internationalisme ou encore, presque à l’opposé, le patriotisme seront des enfants de cette guerre et marqueront le siècle à venir.

***

Jean Jaurès, assassiné pour son combat pour la paix, fut la première victime d’une violence guerrière qui dépassa, on le sait, en horreur tout ce que l’humanité avait connu jusque là.

Ce matin à Montchat, le message de Jaurès pour la paix mérite d’être rappelé. La guerre était pour lui la manifestation la plus inacceptable de l’injustice des rapports humains.

Affirmons son combat pour une politique de la paix internationale fondée par l’arbitrage du droit et dans l’affirmation de la démocratie en Europe.

Cette paix internationale pour laquelle luttait Jaurès nous rappelle aussi que la guerre fait toujours rage ailleurs et que la France est toujours engagée dans le conflit armé. En ce jour du Souvenir National, pensons aussi à nos soldats tombés sur les théâtres d’opérations extérieurs car ce matin, la France rend hommage à tous ses combattants, résistants et déportés, qu’ils aient connus la seconde guerre mondiale, la guerre d’Algérie, l’Indochine ou encore les conflits plus récents comme l’ Afghanistan où un jeune du 3e arrondissement est mort il y a quelques années.

Partout dans notre pays, cette année de commémoration est un grand rendez-vous des Français avec eux-mêmes. Sur ses terres, la France porte une partie de la mémoire du monde qu’il  nous appartient de transmettre. Souvenons-nous que ce jour précis, ce 11 novembre est porteur d’un message de paix, le jour où la signature de l’armistice fit place à la paix.

Je vous remercie”

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