Les cardiologues qui ont conçu l’ECG à 18 dérivations n’ont pas cherché à compliquer la tâche de leurs collègues. Ils ont simplement compris qu’un ECG à 12 dérivations pouvait manquer des situations d’urgence vitale. L’ECG à 18D est sans doute l’innovation la plus sous-cotée en médecine d’urgence. Pourtant, il est indispensable pour repérer un infarctus basal, un infarctus du VD ou certaines arythmies post-chirurgicales. Car chaque dérivation en moins est un diagnostic en moins. Et chaque diagnostic en moins peut coûter une vie. Dans cet article, découvrez un guide complet pour comprendre et utiliser l’ECG à 18 dérivations en pratique. Vous apprendrez à le réaliser en 10 minutes et à améliorer vos diagnostics.
Qu’est-ce qu’un ECG 18 dérivations ?
Et si votre ECG ne révélait pas toute la vérité ? C’est une situation à laquelle j’ai été confronté lors d’une garde de nuit, où un infarctus basal est passé inaperçu sur un tracé classique. L’ECG à 18 dérivations n’est pas seulement une extension technique : il élargit la zone d’écoute du cœur, révélant des territoires que l’ECG standard méprise par ignorance ou confort.
L’électrocardiogramme à 12 dérivations – adulé mais imparfait – capture l’activité électrique à travers six dérivations frontales et six précordiales (V1-V6). Mais cette approche ignore honteusement les régions postérieures et droites du myocarde. L’ECG à 18 dérivations intègre alors V3R, V4R (précordiales droites), V7, V8, V9 (précordiales postérieures), offrant ainsi une lecture exhaustive et sans complaisance du territoire cardiaque.
« Chaque inhibition d’une dérivation peut coûter une vie » – voilà la règle brutale que la clinique impose aux rêveurs de la simplification.
Pourquoi donc se priver de données vitales ? Les infarctus basaux et droits se jouent des habitudes. Oser l’ECG 18 dérivations, c’est refuser de laisser le cœur parler dans le vide. Anecdote vécue : un patient étiqueté « doute ST » en salle de déchocage, sauvé in extremis par la vision redoutable d’un sus-décalage ST postérieur sur V9 !

Pourquoi réaliser un ECG 18 dérivations ?
Qui accepterait d’opérer en aveugle ? Pourtant, chaque jour, des diagnostics vitaux sont manqués faute d’un tracé complet. L’ECG à 18 dérivations est l’arme des cliniciens qui refusent la demi-mesure – et chaque indication a sa létalité propre.
Détection de l’infarctus basal
L’infarctus du territoire basal est le grand invisible des urgences cardiologiques. Sur ECG 12 dérivations, il se camoufle honteusement : pas de sus-décalage ST évident, parfois même un tracé faussement rassurant ! Les précordiales postérieures (V7, V8, V9) brisent ce silence. Selon les recommandations récentes, tout doute clinique sur un infarctus avec un ECG standard « normal » impose de compléter par ces dérivations (source). Ma pire nuit de garde ? Un patient arrivé tard, infarctus basal « raté » par fainéantise technique. Humiliation.
Diagnostic de l’infarctus du ventricule droit
Second angle mort : le territoire ventriculaire droit. L’infarctus droit n’obéit à aucune règle classique et ses signes s’effacent sur l’ECG standard. Seules les dérivations V3R et V4R dévoilent la réalité électrique. Un oubli ici, c’est laisser passer une hypotension fatale sous perfusion inappropriée… Je n’oublierai jamais ce patient dont la tension s’effondrait inexorablement jusqu’à ce que le QRS en V4R me crache la vérité au visage !
Surveillance des arythmies post-chirurgicales
Les arythmies silencieuses après chirurgie cardiaque ne préviennent pas – elles frappent vite et fort ! L’ECG 18 dérivations permet d’identifier précocement des foyers électriques occultes habituellement ignorés par les tracés classiques. Les recommandations européennes soulignent cet usage chez les patients à haut risque ou multi-opérés.
Liste des trois motivations cliniques incontournables :
- Détection de l’infarctus basal occulte (V7-V9)
- Diagnostic formel d’un infarctus du ventricule droit (V3R-V4R)
- Surveillance des arythmies silencieuses post-opératoires

Matériel et préparation pour un ECG 18 dérivations
Pourquoi tant de ratés sur un ECG ? La réponse est rarement la machine, presque toujours l’humain. Le choix du matériel ne souffre aucune improvisation : l’appareil doit permettre la saisie des 18 dérivations simultanément – fuyez les modèles trop anciens ou bradés à prix cassé sur les marchés périphériques. Les modèles Philips PageWriter ou équivalents sont plébiscités pour leur ergonomie et leur rapidité d’exécution (selon les recommandations de fabricants comme AVF Biomedical).
Le vrai piège, c’est l’électrode : standard (gel), pédiatrique (surface réduite, hypoallergénique), adhésive solide (utilisable en conditions extrêmes, poils, transpiration…). Inutile de nier : une peau grasse, humide ou chevelue ruine toute lecture du complexe QRS !
Préparation ? C’est l’élément le plus méprisé… alors qu’il détermine tout ! Peau sèche, propre, dégraissée à l’alcool. Rasage local obligatoire chez l’homme velu ! Un mauvais contact = artefacts = erreur diagnostique.
Type d’électrode | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Standard (gel) | Bon contact sur peau saine | Inefficace si sueur/poils |
Pédiatrique | Surface réduite, hypoallergénique | Peu adaptée adulte/urgence |
Adhésive solide | Tenue forte même en urgence | Risque irritation si usage répété |

Pour chaque tracé entaché d’artefacts, demandez-vous : « ai-je respecté la peau du patient autant que sa douleur ? »
Placement des électrodes : du 12 au 18 dérivations
Combien de cliniciens osent admettre qu’ils se trompent dès la pose des électrodes ? Trop peu. C’est pourtant là que tout commence – ou s’effondre. L’ECG à 18 dérivations n’excuse pas l’à-peu-près : il exige rigueur et science.
Rappel des 12 dérivations classiques
Le positionnement des électrodes précordiales V1 à V6 conditionne la lecture correcte du complexe QRS. Rappel express pour les amnésiques pressés :
- V1 : 4e espace intercostal, bord droit du sternum.
- V2 : 4e espace intercostal, bord gauche du sternum.
- V3 : entre V2 et V4, sur une ligne droite.
- V4 : 5e espace intercostal, ligne médio-claviculaire gauche.
- V5 : même niveau horizontal que V4, ligne axillaire antérieure gauche.
- V6 : même niveau horizontal que V4 et V5, ligne axillaire moyenne gauche.
Vous voulez ruiner un ECG ? Inversez deux électrodes – et le QRS s’effondre en mode fantôme ou hypertrophié (source : CardiacDirect).
Ajout des dérivations précordiales droites (V3R, V4R)
Pour débusquer l’infarctus du ventricule droit, placez :
- V3R : symétrique de V3 mais sur l’hémithorax droit (entre V2R et V4R).
- V4R : 5e espace intercostal droit, ligne médio-claviculaire droite (Hennepin EMS).

Ajout des dérivations postérieures (V7, V8, V9)
Trop d’infarctus « invisibles » car on oublie le dos… Voici l’antidote :
- V7 : ligne axillaire postérieure gauche, même niveau horizontal que V6 (5e espace intercostal).
- V8 : pointe de la scapula gauche (ligne scapulaire), identique horizontale.
- V9 : ligne paravertébrale gauche (près de la colonne), toujours au niveau de V6 (source : emDocs).

L’omission d’une seule de ces positions ne produit pas un ECG incomplet : elle assassine toute chance de voir un infarctus basal sournois. La vérité brute.
Interprétation du tracé ECG à 18 dérivations
Analyse des ondes P, QRS et T
Qui ose avouer qu’il n’a jamais survolé un tracé en mode automatique ? C’est ici que l’ECG à 18 dérivations pulvérise la paresse intellectuelle. Chaque onde P (dépolarisation atriale) doit être analysée sans concession : absence, duplication, morphologie suspecte, tout est suspect jusqu’à preuve du contraire (source). Le complexe QRS (dépolarisation ventriculaire) livre la topographie précise de l’activation : élargissement, microvoltage ou ondes Q anormales en dérivations postérieures sont les signaux d’alerte majeurs dans ce contexte élargi. Quant au segment ST : il règne en maître sur le diagnostic ischémique—n’acceptez aucune variation inexpliquée, surtout dans les dérivations oubliées du dos ou du flanc droit.
« J’ai failli perdre un patient pour avoir ignoré un sous-décalage ST en V7… La honte clinique absolue ! »
L’onde T (repolarisation ventriculaire) est le miroir du stress myocardique : inversion localisée, amplitude excessive ou discordance avec le QRS doivent immédiatement déclencher l’alarme chez tout lecteur se respectant.
Reconnaître un infarctus basal sur ST+
L’infarctus basal – appelé aussi infarctus postérieur – n’existe que pour ceux qui cherchent sur V7-V9 ! À quoi ressemble-t-il sur l’ECG ?
- Sus-décalage du segment ST ≥0,5mm en V7-V8-V9 (ou ≥1mm selon certaines sources)
- Apparition d’une onde T positive et volumineuse dans ces dérivations
- Présence parfois d’une onde Q discrète ou microvoltage QRS
- Association possible à une dépression ST antérieure (V1-V3), reflet réciproque de l’occlusion postérieure (source : Cardiologie UNESS)
Critères clés du diagnostic :
- Localisation précise du sus-décalage ST en V7-V9
- Discordance ou concordance avec l’onde T locale
- Absence de cause non ischémique retrouvée au décours immédiat
Identifier un infarctus droit et ses spécificités
L’infarctus du ventricule droit se moque des puristes : il ne se voit QUE si vous placez V3R et surtout V4R, où un sus-décalage ST ≥0,5 mm (≥1mm homme jeune) signe le verdict. Les complexes QRS y sont souvent microvoltés, l’onde r peut disparaître – démasquant la souffrance directe du VD (source : e-cardiogram.com). Le vrai enjeu ? Le risque de collapsus circulatoire si vous passez à côté.
Évaluation emoji du risque vital : ❤️❤️❤️❤️❤️
Éviter les artefacts et pièges courants
Vous croyez savoir poser une électrode ? Les artefacts guettent chaque geste bâclé :
- Tremblements musculaires → pseudo-arythmies fatales sur papier mais pas chez le patient !
- Peau humide/chevelue → mauvais contact = complexes fantômes ou suppression de signal.
- Défibrillateurs ou pace-makers → influx électriques parasites masquant le tracé natif.
- Branches inversées → inversion d’onde P/QRS/T, diagnostic impossible.
Solutions immédiates : séchage méticuleux de la peau, rasage systématique si besoin, vérification visuelle de chaque électrode et relecture critique devant toute anomalie inattendue (source : UNESS Cardiologie).